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Pour chercher les moyens d’établir cette entente, le Congrès de 1900 avait une compétence particulière. En effet, tandis que, dans le Congrès de 1889, les fonctionnaires dominaient, dans celui-ci, les représentans de l’assistance publique et ceux de la bienfaisance privée étaient en nombre à peu près égal. Un fort bataillon de laïques, Français et étrangers, y représentait les œuvres libres, et, en fait, l’esprit chrétien. Il est cependant regrettable que, sauf quelques honorables et courageuses exceptions, le clergé catholique et les membres des congrégations aient cru devoir s’abstenir d’y paraître, laissant à de nombreux pasteurs protestans l’honneur de représenter le ministère ecclésiastique. Prêtres et religieux auraient beaucoup à gagner, s’ils se mêlaient à ces grandes assises internationales, lorsque leur place y est naturellement marquée, et un peu d’américanisme serait ici bien excusable. Dans le dernier Congrès, ils auraient été accueillis avec sympathie et écoutés avec déférence. Quoi qu’il en soit, la question dont je viens de parler avait été annoncée à l’avance comme devant être portée en discussion dès la première séance, et cette question avait été préparée par de nombreux rapports où elle était examinée sous toutes ses faces, en particulier dans un travail très complet et très intéressant de M. Louis Rivière. Ces rapports étaient eux-mêmes résumés dans un travail d’ensemble dont l’auteur avait cru devoir proposer au vote du Congrès la résolution suivante : « Pour arriver à l’entente, la bienfaisance privée aura à se soumettre au contrôle et aux lois de l’État, qui devra à son tour lui assurer et lui garantir sa liberté d’action[1]. » Cette rédaction parut menaçante et excita d’assez vives appréhensions. Un orateur s’en fit l’interprète : « Votre formule, dit-il, est infiniment trop large. Elle ne tend à rien moins qu’à mettre la bienfaisance privée sous la tutelle de l’État. Il faut préciser et limiter ce droit de contrôle. Je comprends très bien qu’il s’exerce sur les établissemens qui reçoivent des enfans et que l’État s’assure si les lois qui régissent l’enseignement primaire et le travail des mineurs y sont observées. Je comprends encore qu’étant le gardien de l’hygiène, il soumette à certaines conditions les établissemens où l’on reçoit des malades. Enfin, je trouverai tout naturel que, s’il confie des pensionnaires à un établissement privé, moyennant un

  1. L’auteur de ce rapport était M. Hermann Sabran, président des hospices de Lyon, qui avait cependant qualité plus que personne pour représenter la bienfaisance privée, car il a attaché son nom à de nombreuses et belles œuvres.