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doute, c’est de préférence à la charité privée qu’il appartient d’y pourvoir ; mais déjà il nous a fallu constater ses lacunes, et, sans y insister, car j’aurais l’air de vouloir instruire son procès, ce qui est bien loin de ma pensée, je dois ajouter que souvent aussi elle n’est pas informée, et il est impossible qu’elle le soit toujours, car, d’un côté, elle n’a pas cent yeux et cent bras pour voir et agir partout en même temps, et, de l’autre, le malheureux qui aurait besoin de s’adresser à elle, auquel elle ne refuserait assurément pas son appui, souvent ne sait où la prendre. De là la nécessité d’un établissement quelconque, connu, permanent, toujours ouvert, auquel l’indigent pressé par la nécessité puisse s’adresser avec la certitude qu’il trouvera au moins à qui parler. Cette institution existe depuis longtemps en France. Elle s’appelle le bureau de bienfaisance.

Le bureau de bienfaisance est un legs de l’ancien régime, sous lequel il s’appelait bureau de charité. L’organisation administrative actuelle des bureaux de bienfaisance date de la loi de frimaire an V. Tout le monde connaît leur rôle, et, bien qu’ils constituent un établissement de charité publique, je ne sache pas que personne, même parmi les économistes les plus farouches, ait jamais demandé leur suppression. Mais personne ne saurait défendre non plus leur organisation actuelle, car elle dépasse en incohérence tout ce qu’on peut imaginer. Indiquer sur quelle base devrait avoir lieu cette réorganisation, et quelles ressources financières devraient être affectées aux bureaux de bienfaisance dépasserait les limites de cette étude. Disons seulement qu’il est en cette matière une réforme bien facile à accomplir et qui devrait primer toutes les autres : ce serait que les commissions administratives des bureaux de bienfaisance fussent composées, comme elles l’ont été longtemps, en dehors de toute préoccupation politique et religieuse et que les représentais de la charité publique et de la charité privée s’y rencontrassent sur un terrain commun pour travailler pacifiquement au même but. Mais ceci conduit à une question plus générale. Comment doit s’exercer l’assistance publique ? Quelles relations doit-elle entretenir avec la bienfaisance privée ? Comment les choses se passent-elles ? Comment devraient-elles se passer ? Pour nous en rendre compte, il faut faire encore un pas plus avant dans la question.