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l’objection financière. Assurément elle n’est point non plus à dédaigner, car il ne faudrait pas cependant aggraver inconsidérément le fardeau budgétaire sous lequel pourrait bien finir par succomber la France. La dépense qui résulterait de l’assistance obligatoire aux vieillards est excessivement difficile à évaluer, et j’avoue ne posséder aucun des élémens nécessaires pour le faire d’une façon même approximative. M. le Directeur de l’Assistance et de l’Hygiène publiques affirme qu’elle ne dépasserait pas 21 millions, même en comprenant dans cette dépense les secours aux infirmes et aux incurables. Si le principe posé par la loi de 1893 sur l’assistance aux malades était adopté, la dépense se répartirait à peu près également entre les communes, les départemens et l’État, soit 7 millions pour chaque. Est-ce assez ? Est-ce plus ? Est-ce moins ? Je confesse être dans l’impuissance absolue de le dire. Si le chiffre est exact, la prévision n’a rien d’effrayant, et il ne serait pas impossible de trouver ces 21 millions en rognant sur certains chapitres du budget, entre autres sur les travaux publics électoraux, sur les bourses, sur les subventions, sur les primes à l’exportation, etc. Mais une chose est certaine, cette dépense serait peu de chose coin parée à celle qui résulterait des divers projets de loi sur les retraites ouvrières dont les finances de la France sont aujourd’hui menacées. Or, la meilleure manière d’éviter le vote de ces projets serait d’enlever à leurs partisans l’argument tiré des considérations d’humanité et le droit de se répandre en phrases sentimentales sur le vieil ouvrier qui, après avoir travaillé toute sa vie, est en proie à la misère, puisque le vieil ouvrier en question serait toujours assuré d’être secouru. A l’adoption de cette mesure générale d’assistance, ce ne serait donc pas seulement l’humanité qui trouverait son compte, et c’est bien quelque chose : ce serait également l’économie.

L’Assistance obligatoire établie en faveur des quatre catégories, enfans orphelins ou abandonnés, malades, infirmes ou incurables, vieillards, constituerait donc un sérieux progrès ; et le plan du Conseil supérieur sur ce point mérite, je crois, d’être suivi. Ce plan mis à exécution, l’assistance serait-elle enfin organisée en France d’une façon rationnelle ? Pas encore. Il resterait à se préoccuper des infortunes accidentelles qui échappent à toute classification légale, et que cependant la charité publique et privée ne peuvent contempler avec une complète indifférence. Sans