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met à la charge des départemens, de l’État et des communes, toute une série de dépenses concernant la création de maternités hospitalières, d’asiles ouvroirs, et de maternités secrètes ? Ici, j’ai les plus grands doutes, surtout relativement à ces maternités secrètes, qui, de l’aveu même d’un des partisans de cette institution nouvelle, seraient destinées de préférence « aux femmes qui, ayant trompé leur mari, se demandent comment elles pourront cacher le fruit de leur adultère et aux jeunes filles occupant une situation en vue dans le monde qui ont cédé à des entraînemens coupables, où l’admission aurait lieu sans enquête, sans que la femme fût obligée de répondre à aucune question ; » dont les pensionnaires seraient obligatoirement en cellule et autorisées à demeurer voilées ; où toute communication avec les personnes du dehors leur serait interdite ; où les magistrats de l’ordre administratif et judiciaire ne pourraient pénétrer qu’après avoir fait annoncer leur visite. C’est assurément une des conceptions les plus bizarres qu’ait pu inventer l’assistance officielle. Et c’est la création d’un établissement de ce genre qu’on voudrait imposer à chaque département ! Il est peu probable que ce projet, adopté en 1892 par le Conseil, affronte jamais les débats parlementaires, mais, s’il venait à être voté en même temps que celui dont la Chambre est actuellement saisie sur ou plutôt contre les congrégations, il faut avouer que ce serait un état bien particulier, celui d’un pays qui verrait en même temps fermer des couvens de femmes parce que celles-ci auraient fait vœu de chasteté, et ouvrir des monastères, avec clôture d’un nouveau genre, où les novices ne seraient admises qu’à la condition d’être en état de grossesse constatée.

Le programme tracé par le Congrès de 1889 a été également mis en pratique en ce qui concerne une seconde catégorie d’indigens assurément intéressante : celle des malades. Chacun sait qu’une loi du 15 juillet 1893 a rendu l’assistance obligatoire en faveur des malades qui ne bénéficiaient jusqu’à présent, ou peu s’en faut, d’aucune disposition législative. Cette loi n’a pas été votée sans opposition, et une des objections les plus justes qui pouvaient être élevées contre le principe même était celle-ci. Les sociétés de secours mutuels assurent leurs membres participans contre le risque de maladie. C’est là une forme de la prévoyance qu’on ne saurait trop encourager. Or, en assurant au malade indigent le secours médical gratuit, vous allez le décourager de