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Voyons ce qui se passe chez nous depuis un siècle. Il y a en France 36 170 communes, et 19 111 bureaux de bienfaisance, qui sont une des formes les plus répandues de la charité publique. A-t-on observé que, dans les communes où fonctionne un de ces bureaux, les services de la charité privée soient moins abondamment pourvus qu’ailleurs ? Jamais. Un décret de 1811, en créant le service des Enfans assistés, a mis à la charge des départemens l’entretien des enfans orphelins ou abandonnés. Ce décret a-t-il empêché que la création d’un orphelinat ne soit une des œuvres favorites de la charité privée et qu’il y en ait plus de 1 400 en France, recevant plus de 60 000 enfans ? Généralisons un peu la question. Depuis une vingtaine d’années, en partie dans la pensée de faire concurrence aux œuvres confessionnelles, le Parlement, les Conseils municipaux, le Gouvernement, ont étendu et multiplié les services d’assistance publique. Qui oserait dire que, depuis vingt ans également, la charité privée ait été paresseuse et contester qu’elle se soit honorée par la création d’un grand nombre d’œuvres nouvelles dont M. Georges Picot, mieux placé que personne pour en parler, rappelait les principales dans l’éloquent discours prononcé par lui à la séance d’ouverture du Congrès international ?

Cette objection que la charité publique nuit à la charité privée, répétée de confiance par beaucoup de gens, est donc une objection d’école qui tombe devant la réalité des faits, et je persiste à penser que, dans un pays à organisation complexe comme le nôtre, la coexistence de l’assistance publique fortement organisée avec la bienfaisance privée activement pratiquée est à la fois nécessaire en théorie et conciliable en fait. Mais quel doit être le domaine de chacun et comment doivent se régler leurs rapports ? C’est ici que les difficultés commencent.


III

Une première question doit être examinée. Etant reconnue la nécessité d’un service général d’assistance publique, cette assistance doit-elle être obligatoire ? Pour y répondre, il faut s’entendre sur la portée de ce mot.

L’assistance ne saurait, du moins à mon avis, être rendue obligatoire, en ce sens qu’une action en justice puisse être ouverte à l’assisté de telle ou telle catégorie, lui permettant de se faire