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comprendre, ajoutent-ils : auprès de quelqu’un qui est aussi debout[1]. » Aussi s’efforcent-ils d’étendre l’action de l’État dans le domaine charitable, de mettre à sa charge, de par la loi, le plus grand nombre possible de misères, et, conséquens avec leur doctrine, c’est à l’impôt qu’ils proposent également de s’adresser pour trouver les ressources nécessaires aux institutions d’assistance.

Telles sont les deux théories en présence.

Ce serait se livrer à une dissertation oiseuse que de les discuter longuement et de se demander s’il convient de supprimer soit l’assistance publique, soit la bienfaisance privée. En fait, la question est tranchée, en France, du moins, dans le sens de la coexistence. Personne ne rêve la suppression de l’assistance publique. Personne ne demande la fermeture de tous les établissemens dus à la bienfaisance privée. Je dirai cependant pourquoi l’existence d’une assistance publique, — j’entends par-là des services charitables prévus et organisés par la loi, — paraît indispensable. Sans doute, en théorie et en pratique, les services charitables organisés par l’initiative privée sont infiniment supérieurs comme méthode et comme résultats. La charité privée est plus douce, plus souple, plus ingénieuse ; elle a des délicatesses, des inventions, des nuances que la charité publique n’aura jamais. Ceux-là mêmes qui dirigent, dans notre pays, l’action de la charité publique ne le méconnaissent pas. Etablissant au Congrès d’assistance tenu en 1889 un parallèle entre l’assistance publique et la bienfaisance privée, le Directeur de l’Assistance et de l’Hygiène publiques, M. Henri Monod, disait avec raison : « La bienfaisance privée corrige en quelque manière les défauts qui lui sont propres et qui sont ses incertitudes, ses caprices, ses incompétences, par sa douceur, sa bienveillance, la sincérité et l’activité de sa compassion. L’Assistance publique ne connaît pas ces qualités charmantes ; elle est condamnée à la sécheresse, elle n’a pas le droit de s’abandonner à des émotions, à des élans incompatibles avec l’impartialité et la sévérité qui s’imposent à tout emploi des fonds publics ; elle est froide comme ce qui est officiel. »

  1. On trouve cet argument dans le discours très bien tourné et très bien dit qu’a prononcé le très distingué Directeur de l’Assistance et de l’Hygiène publiques, M. Henri Monod, à la séance d’ouverture du Congrès d’assistance publique et de bienfaisance privée. Je reviendrai sur ce discours, dont les conclusions sont loin, au reste, d’être aussi absolues.