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elle est celle dont j’ai besoin. D’avoir tant aimé l’autre me servira seulement à mieux l’aimer, elle, à mieux savoir comment ménager cette divine sensibilité… Pourvu qu’elle me pardonne d’être parti ainsi, qu’elle ne m’aime pas moins à ce retour que dans cette minute inoubliable où elle a laissé rouler ses roses ; pourvu que… Je saurai tout cela demain, si je veux ! Demain, dans moins de vingt-quatre heures, je puis reprendre la route blanche de Costebelle entre les niches parées de fleurs, demain revoir les pins d’Alep, les oliviers, le portail des Cystes parmi ses plantes grimpantes, l’allée sous les palmiers, revoir la maison, la revoir, elle, demain, si je veux !


Nice, 27 février.

Je veux. La résolution est prise cette fois. Il est sept heures du matin. J’écris ceci en attendant la voiture qui doit m’emmener à la gare. Le train part à trois heures. À onze heures et demie, je serai à La Pauline, à midi à Hyères. À une heure, je la verrai. Dans quelques jours, je peux être son fiancé… mon fantôme, qu’il me fût permis de t’évoquer vraiment et de te demander que tu prononces matériellement ces mots que j’entends tout bas dans mon cœur : Aime-la ! Aime-nous !… — Ah ! j’ai peur !

Paul Bourget.

(La troisième partie au prochain numéro.)