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connaît de reste la situation en Chine. Nous sommes loin d’être maîtres du gouvernement impérial et de pouvoir lui imposer tout ce que nous voulons. Ce gouvernement lui-même ne paraît pas être complètement libre. On ne sait que par des rumeurs assez vagues ce qui se passe pour lui dans la retraite lointaine où il s’est réfugié ; mais, à en croire ces bruits, l’empereur et l’impératrice elle-même devraient tenir compte des volontés menaçantes de princes ou de mandarins qui les tiennent en quelque mesure sous leur dépendance. Or, ces mandarins et ces princes sont précisément ceux dont nous demandons impérieusement la tête, et c’est ajouter trop de foi à la légende du décapité par persuasion que d’attendre d’eux qu’ils reviennent à Pékin subir le dernier supplice sous le contrôle de nos représentans. Lorsque M. de Bulow, dans une première communication qu’il a faite à l’Europe évidemment sous la dictée de son maître, avait déjà demandé un certain nombre de têtes comme condition préalable à l’ouverture des négociations, tout le monde avait senti qu’en le suivant, on s’engagerait dans une voie sans issue, et tout le monde s’était courtoisement refusé à le faire. Il avait présenté alors de nouvelles propositions, plus modérées dans la forme et certainement plus habiles. Nous nous demandons aujourd’hui si nos ministres à Pékin ne sont pas à peu près revenus, sans s’en douter, à quelque chose qui ressemble fort aux premières propositions allemandes, c’est-à-dire à des conditions préalables dont on peut être sûr d’avance qu’elles ne seront pas admises par le gouvernement chinois. Notre désir commun est de voir ce gouvernement revenir à Pékin. L’empereur Guillaume a insisté personnellement sur ce point auprès de l’empereur Yang-Tsu : celui-ci a répondu qu’il ne manquerait pas de se conformer à cette suggestion, dès que les bases de la paix seraient fixées. Aussi longtemps que la question restera, de part et d’autre, posée dans ces termes, nous tournerons indéfiniment dans un cercle vicieux. Après avoir envoyé leur projet à Pékin, après avoir reçu les observations des ministres, après avoir répondu à ces observations, après s’être livrés enfin à une interminable correspondance télégraphique, il paraît que les gouvernemens ne sont pas encore d’accord sur la note définitive à présenter à la Chine. Que de complications ! Que de lenteurs ! Et combien peu de résultats !

On nous demandera ce qu’il fallait faire. Il fallait, sans doute exiger le châtiment des coupables, mais éviter de fixer le nombre de ceux-ci et de déterminer la nature du châtiment à leur infliger. La Chine aurait accepté cette exigence, que nous aurions appliquée ensuite dans