Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 162.djvu/720

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

constitués en reviseurs du plan qu’on leur proposait. Ils ont compris, — et peut-être n’avaient-ils pas tout à fait tort, — qu’on ne demandait pas mieux que de leur laisser en partie une responsabilité devant laquelle on reculait soi-même. Nous ne parlons pas du gouvernement de la République ; il a prouvé qu’il ne craignait pas de prendre des initiatives ; il en a même pris beaucoup ; mais il n’est pas seul, et, comme l’a dit lord Salisbury au banquet du Lord-Maire, un gouvernement doit en pareil cas mesurer son pas sur celui des autres, afin de ne pas se séparer d’eux et de s’assurer toujours qu’il en est suivi. A notre sens, on a commis une faute en laissant au corps diplomatique à Pékin le soin de contrôler d’aussi près, et même de refaire le plan des gouvernemens. Ceux-ci doivent sans nul doute demander des renseignemens et des informations à leurs ministres ; ils doivent s’éclairer de toutes les lumières que des gens placés sur les lieux sont en situation de leur donner ; mais, cela fait, c’est à eux, et à eux seuls, de conclure et d’arrêter des décisions que leurs représentans n’ont plus qu’à exécuter. Ceux-ci sont libres de choisir pour cela les moyens qui leur semblent les meilleurs, à la condition de ne rien modifier au fond des choses et de ne pas s’écarter du but qu’on leur a fixé.

En lisant le Livre Jaune distribué aux Chambres, nous avons été frappés d’une observation faite par lord Salisbury à M. Paul Cambon au commencement de juillet dernier. Nous proposions d’interroger les commandans de nos forces militaires sur l’effectif dont ils avaient besoin pour accomplir leur mission. Rien de plus naturel en apparence : il semblait au premier moment que tout le monde devait adhérer à cette suggestion. Qui pouvait, mieux que nos commandans militaires, savoir et dire combien d’hommes il leur fallait pour achever leur tâche ? Cependant lord Salisbury s’est refusé à le leur demander, sous prétexte que les amiraux étaient incompétens à se prononcer sur l’importance des forces nécessaires à des opérations sur terre, et parce qu’une consultation de ce genre aurait impliqué l’obligation de se soumettre à la majorité. Le dernier motif invoqué par le ministre anglais montre bien quelle était sa pensée : il ne voulait pas se dessaisir d’une question que les gouvernemens seuls devaient traiter et résoudre par la voie diplomatique ordinaire. En y réfléchissant, on trouve qu’il faisait bien. Mais, s’il avait raison alors, et lorsqu’il s’agissait seulement de déterminer le chiffre d’un effectif militaire, combien plus sa préoccupation aurait été à sa place, si on l’avait appliquée à la détermination beaucoup plus importante encore des conditions à