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quelles précautions faudra-t-il prendre pour que pareils événemens ne se renouvellent pas à l’avenir ? C’est ce que cherche encore le monde civilisé, maître de Pékin, mais assez embarrassé de sa conquête et des conditions dans lesquelles il doit négocier.


I

C’est sur les leçons de l’expérience que doit être fondée la politique de l’Europe en Chine ; avant de parler des garanties à prendre et de la conduite à suivre dans l’avenir, il importe donc d’étudier de près les causes de la crise actuelle, d’examiner notamment si les étrangers eux-mêmes n’ont pas contribué à attirer la catastrophe qui vient de fondre sur eux. C’est en évitant de retomber dans les mêmes erreurs de conduite qu’ils pourront prévenir le retour de pareilles explosions.

Nous avons décrit ici même le milieu chinois et fait le récit des relations entre le Céleste-Empire et les puissances étrangères depuis que les victoires du Japon ont posé le problème chinois[1]. C’est un assez triste tableau que celui des rivalités des puissances, chacune intriguant pour contrecarrer les desseins des autres et toutes s’empressant de demander des équivalens ou même des avantages supérieurs, sitôt que l’une d’elles avait obtenu quelque chose. À ce jeu néfaste, on ne s’apercevait pas, tout occupé qu’on était à ne pas se laisser dépasser par le voisin, qu’on allait beaucoup trop vite en besogne, qu’on administrait à la Chine des doses de progrès qu’elle ne pouvait supporter sans violentes convulsions. On nous permettra de rappeler que nous insistions déjà il y a vingt mois sur la nécessité de procéder plus graduellement, de ne pas obliger le gouvernement de Pékin à laisser introduire trop vite et partout à la fois des innovations de toute sorte. « Il serait peut-être prudent, écrivions-nous, de ne pas secouer trop violemment, trop longuement ni trop souvent ce vieux squelette, si on ne veut le voir s’affaisser et se briser. » S’il ne s’est pas encore brisé, il vient d’avoir un soubresaut violent qui a obligé les étrangers à une intervention dangereuse, et à la répétition duquel il ne résisterait peut-être pas. Sans méconnaître que la question chinoise est, en elle-même et de quelque façon qu’on s’y prenne pour la traiter, remplie de difficultés et de périls, on a le droit

  1. Voyez nos articles sur le Problème Chinois dans la Revue des 15 novembre 1898, 1er janvier et 1er mars 1899.