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décision a passé presque inaperçue, comme étant de celles qui ne font que constater un fait, et, en quelque sorte, l’authentiquer par un acte du pouvoir compétent.

Si maintenant on examinait de près la situation des cinq États du Sud à la veille de la guerre de l’Indépendance, on y trouverait encore bien du mélange. Les Irlandais catholiques, descendans des premiers colons amenés au Maryland en 1633 par lord Baltimore, formaient en 1776 la moitié de la population de l’Etat. La Géorgie, de cent ans plus jeune, 1733, ne comptait guère plus de 50 000 âmes, parmi lesquelles nombre « d’Irlandais, de Frères moraves, de Salzbourgeois catholiques, de quakers et de juifs. » C’était aussi dans ces cinq États que se trouvait dès lors comme entassée la totalité de la population nègre : 480 000 pour 1 300 000 habitans. Mais ce qu’il faut surtout noter, c’est que, s’ils étaient généralement Anglais, les planteurs des deux Carolines et de la Virginie l’étaient, pour ainsi parler, d’une autre manière que les puritains de la Nouvelle-Angleterre. Leur origine sociale était autre, et leurs mœurs étaient différentes. Ils avaient bien apporté d’Angleterre quelques-uns de ces vices qui sont ceux de toutes les vieilles aristocraties, mais ils avaient aussi quelques-unes des vertus qui en sont le rachat. Nés pour le gouvernement, et invités à le prendre par les puritains eux-mêmes de la Nouvelle-Angleterre, c’est eux qui allaient poser les fondemens de la constitution, et c’est eux qu’avec une préférence marquée, jusqu’en 1860, la confiance populaire allait charger d’en assurer le bon fonctionnement. Je ne sache rien de plus anglais, ni de plus admirable, que cette espèce d’abnégation politique avec laquelle on a vu la démocratie d’Amérique, pendant près d’un siècle, déléguer le gouvernement à ceux des siens qui étaient censés en avoir l’expérience héréditaire, si ce n’est le désintéressement avec lequel cette aristocratie de planteurs a gouverné contre elle-même, et généralement, — sauf sur l’article de l’esclavage, — dans le sens des aspirations populaires.

Nous pouvons passer rapidement sur les années qui suivirent la guerre de l’Indépendance. Elles virent l’accroissement de la population nègre, qui, d’environ 500 000 âmes, s’éleva jusqu’à 3 ou 4 millions, mais il n’y eut pas de mélange de sang, — les lois particulières des États se chargèrent d’y pourvoir, — ni de concurrence ou de rivalité de « couleurs ; » et la situation