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Les rapporteurs du Comité général vinrent d’abord à la tribune énumérer la longue suite de leurs griefs contre l’insubordination des députés socialistes, leur peu de zèle pour la propagande, leurs votes hostiles à la classe ouvrière, tandis que les députés indépendans dénonçaient la tyrannie du Comité, sa suspicion, l’esclavage où l’on prétendait les réduire.

Au début de l’agitation socialiste, et par défiance extrême des politiciens, on votait au Congrès de Marseille, en 1879, que tout élu socialiste devait signer sa démission en blanc et la remettre au comité du parti, qu’il devait de même verser son traitement entre les mains du comité, chargé de lui allouer une simple indemnité pour subvenir à ses besoins. Mais aujourd’hui un socialiste indépendant ne diffère guère que par les opinions des autres députés. Le socialisme athénien a succédé au socialisme spartiate.

Le discours le plus marquant du Congrès a été celui de M. Viviani. M. Jaurès, en dépit de sa majorité, n’a pas pris la parole dans la discussion, et il n’est pas certain qu’on l’eût laissé parler, tant il rencontrait d’animosité du côté gauche de l’assemblée. M. Viviani a exposé la théorie du socialisme opportuniste dans toute sa pureté. Il a parlé des nécessités de la politique quotidienne à la Chambre, des pièges que des socialistes tendaient à leurs camarades pour les faire trébucher. Il a annoncé triomphalement que les gendarmes qui, à Chalon, avaient fait usage de leurs armes contre les grévistes, allaient être déférés à la justice militaire. Triste argument, que cette responsabilité dont M. Viviani déchargeait M. Waldeck-Rousseau qui l’a revendiquée, pour la faire retomber sur ces malheureux gendarmes, vrais prolétaires de fait, tandis que tant de socialistes ne le sont qu’en théorie.

La partie saillante du discours de M. Viviani a été celle où il a proclamé le lien indissoluble qui unit le socialisme et la République. Gambetta, vers la fin de l’Empire, prononçait un discours retentissant où il exposait comment la République était la forme adéquate du suffrage universel. M. Viviani, si nous l’avons bien compris, considère le socialisme comme la forme adéquate de la République. M. Thiers disait : « la République sera conservatrice ou elle ne sera pas, » formule que J.-J. Weiss qualifiait irrévérencieusement de bêtise. M. Viviani rétablirait la formule au profit du socialisme : la République sera socialiste ou elle ne sera