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socialistes de stricte observance. Le suffrage universel n’existe que pour les élections au Reichstag. Les différens Landtags sont nommés au suffrage restreint : en Prusse, particulièrement, le système censitaire des trois classes ne laisse pour ainsi dire aucune chance aux socialistes de pénétrer dans l’assemblée législative. Les socialistes se trouvaient placés dans cette alternative : ou de s’abstenir, ou de donner leurs voix à des libéraux, à des bourgeois capitalistes. Mais l’abstention pouvait présenter de graves dangers. Une majorité de hobereaux se montre toujours empressée à voter des lois draconiennes. Il importait donc aux socialistes de les tenir en échec et de faire entrer au Landtag le plus grand nombre possible d’opposans. Cette tactique s’imposait et fut bien vite adoptée, malgré le blâme des intransigeans dans les congrès annuels. Sur ce point, les social-démocrates allemands ont fini par mettre d’accord, comme le leur demandait Bernstein, leurs paroles et leurs actes ; ils ont théorétisé, maxime leurs pratiques. D’abord défendue, puis tolérée, puis permise, la participation des socialistes aux élections du Landtag a été déclarée obligatoire, sous le contrôle du Comité directeur, véritable gouvernement du parti, — cela même au congrès qui s’est tenu à Mayence, la veille du Congrès international de Paris.

Les Allemands n’avaient nullement songé à établir une consultation internationale sur cette question : ils ont réglé leurs affaires eux-mêmes ; ils n’ont porté devant le Congrès aucune des questions qui les divisent. Il n’en a pas été de même des socialistes français. Récemment unifiés, mais travaillés par des rivalités profondes, ils ont pris en quelque sorte pour arbitre de leur querelle le Congrès international : chacun songeait ensuite à se prévaloir de la décision rendue dans le congrès national qui allait suivre. Ils soumettaient au concile socialiste le cas de M. Millerand, qui a déjà fait l’objet d’une lettre circulaire suivie d’une réponse des socialistes marquans de tous les pays. Et cela fait songer à l’immortelle consultation de Panurge sur le mariage, à son appel aux oracles, à la sibylle, au poète mourant, à l’astrologue, au médecin, pour savoir s’il devait se marier, s’il serait ou non trompé, — avec cette différence que le mariage de M. Millerand et de la bourgeoisie dirigeante, qui inquiète ses anciens amis, est maintenant consommé ; que la lune de miel dure toujours ; que les conjoints ne songent nullement au