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la chapelle du Louvre. Le musicien était en route, quand la mort du roi de France le fit rebrousser chemin et retourner près de son protecteur. Infiniment plus musicien que leurs successeurs du XVIIe siècle, les poètes de la Pléiade : les Dorat, les Jodelle, les Baïf et les Ronsard ont célébré non seulement Roland, qu’ils appellent « Orlande, » mais la musique elle-même[1]. Baïf, Italien par sa mère comme Charles IX, eut l’intuition et le pressentiment de la réforme florentine. Dès 1567, quelque trente an« avant le comte de Vernio, il « dressait, » avec le musicien Thibaut de Courville, une « académie ou compagnie, composée de musiciens et auditeurs, » que, par lettres patentes du 15 novembre 1570, Charles IX reconnaissait dans les termes les plus flatteurs. La rédaction des statuts et celle du privilège témoignent du même esprit, et cet esprit est proprement celui de la Renaissance et de la Camerata florentine. Il en a tous les caractères, depuis l’amour et limitation de l’antiquité jusqu’à la conception très générale de la musique ; conception très littéraire aussi, ou plutôt littérale, subordonnant le ton au rythme et surtout au mot.

« Maître, » a dit Baïf de lui-même,


Maître en l’art de bien chauler,
Qui me fit, pour l’art de musique
Réformer à la mode antique,
Les vers mesurés inventer…


Et, s’étant ainsi qualifié, voici comment, dans sa requête au roi Charles IX, il définit son dessein : « Remettre en usage la musique selon la perfection, qui est de représenter la parole en chant accompli de son harmonie et mélodie, qui consistent en choix, règle des voix, sons et accords bien accommodés pour faire l’effet selon que le sens de la lettre le requiert, ou resserrant ou desserrant, ou accroississant l’esprit, renouvelant ainsi l’ancienne façon de composer des vers mesurés pour y accommoder le chant pareillement mesuré selon l’art métrique ; afin aussi que

  1. L’aile qu’Orlande peut donner aux vers est telle,
    Mesmne l’air des beaux chants inspirés dans les vers
    Est comme en un beau corps une belle âme infuse.
    (Jodelle, cité par M. Romain Rolland. )