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l’imputation que les desseins du ministre ne menacent pas moins le roi que sa mère et son frère ; qu’ils ne visent à rien moins qu’au trône ou à une souveraineté indépendante dans le royaume. Ce sont les mêmes accusations ou les mêmes insinuations à propos de la mort des ennemis du cardinal, Chalais, le grand prieur de Vendôme, Ornano, Bérulle, Fancan. Nous avons déjà lu bien souvent ailleurs la dénonciation des charges, des gouvernemens, des trésors que Richelieu accumule dans ses mains et qui servent d’acheminement à son usurpation. Le thème sur les misères du peuple nous est également bien connu. Ce qui appartient en propre à l’élucubration du chancelier de Gaston, c’est l’histoire des rapports de ce dernier avec le cardinal. Toutes ces redites sont présentées d’ailleurs de la façon la plus fastidieuse et la plus traînante.

Chacun de ces appels directs à l’opinion amenait une riposte immédiate du gouvernement. C’était des observations sur la lettre remise au roi le 3 avril par Briançon, sur la requête au parlement du 11 du même mois, sur le long manifeste du 30 mai ; c’était une lettre du roi à Monsieur du 14 juillet ; c’était une déclaration du 26 mai en faveur du cardinal et contre ses calomniateurs. Autant les accusations étaient vagues, téméraires et fragiles, autant l’expression en était molle et filandreuse, autant, au contraire, les contradictions qui leur étaient opposées frappent par leur netteté ou leur dédaigneuse ironie, autant le ton dont parlait le roi s’imposait par sa gravité, par sa nerveuse précision, par sa royale dignité, à tel point que Richelieu, confiant que le public ferait la différence de ces deux langages et des deux causes qui l’inspiraient, se sentant d’ailleurs débordé par la profusion des manifestes et des libelles, prenait le parti d’en faire publier plus d’un en le faisant suivre de sa réfutation.


V

Œuvres de circonstance, dépourvues de ces vérités permanentes, de ces sentimens universels, de cet attrait du talent, qui défendent contre l’oubli certaines productions de ce genre, les pamphlets et les manifestes que nous venons de passer en revue ne paraissent pas avoir survécu aux passions qui les ont fait naître. Mais il y a pour les écrits et pour les auteurs une autre immortalité que celle qui perpétue le souvenir de leurs titres et de leurs noms :