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intérêt est d’offrir le dossier le plus complet des charges que les contemporains ont rassemblées contre Richelieu et dont quelques-unes ont été recueillies par la postérité.


IV

Marie de Médicis ne pouvait pas trouver auprès d’elle un champion plus dévoué, plus infatigable, plus rompu au métier de la plume que l’abbé de Saint-Germain. Ce n’est pas à lui pourtant qu’elle avait recours, quand elle avait besoin de s’adresser personnellement, officiellement au roi, aux pouvoirs publics, à l’opinion. Son interprète habituel dans ces circonstances, c’était son principal conseiller, celui qu’on appellerait le directeur de son cabinet politique, si ce titre n’était de nature à donner une idée très exagérée de l’importance des relations de la petite cour de Bruxelles avec les cours européennes, qui n’attendaient aucun avantage du séjour de la reine parmi les Espagnols et ne voyaient en elle qu’une princesse et une parente malheureuse. Ce conseiller s’appelait le Père Chanteloube. Par sa destinée, bien qu’il appartînt aussi à l’Eglise, par son caractère, par le ton de ses écrits, Chanteloube se distingue nettement de l’abbé de Saint-Germain. Celui-ci est avant tout, on l’a vu, un homme de lettres. Sorti d’une famille du Forez dont il mettait fièrement la noblesse au-dessus de celle des Du Plessis-Richelieu, élevé pour la carrière ecclésiastique et pourvu par conséquent d’une culture assez développée, Jacques d’Apchon, seigneur de Chanteloube, fut surtout, après comme avant son entrée dans la congrégation de l’Oratoire, un homme d’intrigue et d’action. On pourrait même ajouter que l’ardeur de la lutte l’aurait entraîné jusqu’au crime, s’il fallait accepter pour définitif l’arrêt du parlement de Metz qui le condamna par contumace à la roue, en 1633, comme instigateur des projets d’assassinat d’Alfeston et de Chavagnac contre le cardinal. Les déclarations de l’un et de l’autre établissent la complicité de Chanteloube, mais celui-ci affirme que le premier, au moment de subir le dernier supplice, a désavoué les siennes, et celles du second paraissent avoir été faites en dehors du tribunal. Quoi qu’il en soit, il est certain que Chanteloube ne reculait pas devant les coups de main, car c’est lui qui conçut et organisa la tentative d’enlèvement de la duchesse d’Aiguillon, et, pour que Gaston qualifiât de chanteloubade l’attentat dirigé contre Puylaurens, il