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associa Mathieu de Morgues d’une façon si absorbante aux travaux du cardinal, qu’il ne lui resta plus de loisirs ni pour la prédication, ni pour la controverse théologique[1]. Très inférieur à Fancan et plus encore au Père Joseph, il ne fut jamais appelé comme eux à exercer sur la direction des affaires cette influence qui permet de considérer les deux premiers, à un degré d’ailleurs très inégal, comme les conseillers et les collaborateurs du ministre. Celui-ci ne songea jamais à faire de lui autre chose qu’un publiciste officieux, un laborieux compilateur. C’est avec l’un ou l’autre de ces caractères qu’il nous apparaît, quand on le voit rechercher et recueillir les traités, les mémoires, les instructions diplomatiques qui pouvaient éclairer les antécédens des questions pendantes, quand on le voit répondre par une foule de comptes rendus[2] à l’universelle curiosité d’esprit du cardinal, quand on le voit enfin chargé de défendre la politique française contre les attaques de l’ultramontanisme européen.

Si Saint-Germain ne paraît pas s’être élevé, dans ses rapports avec Richelieu, au-dessus du rôle de secrétaire et d’interprète officieux, ce n’est pas qu’il n’eût sur les sujets qui divisaient alors l’opinion des idées arrêtées, des sentimens passionnés. A défaut de déclarations explicites et publiques venues de lui-même, nous possédons sur ces sentimens et ces idées des indices qui ne sont guère moins concluans : son hostilité contre les Jésuites, ses relations, ses amitiés, et certains propos qui nous sont rapportés, il est vrai, par des adversaires, mais dont l’authenticité, pour le fond sinon pour la forme, ne peut pas être contestée. Il appartenait à ce parti des bons Français ou, comme on l’appelait encore, des bons Gaulois, qui voulait, à l’intérieur, l’indépendance de l’Etat vis-à-vis de l’Eglise, au dehors, la lutte contre la maison d’Autriche, et qui, recruté en majorité dans la haute bourgeoisie, comptait dans son sein des hommes comme Fancan, comme Isaac Laffemas, le futur lieutenant civil, comme l’avocat général Servin, comme Jacques Gillot, l’un des auteurs de la Satire Ménippée, comme Jacques Favereau, conseiller à la cour des aides et gendre d’Etienne Pasquier, comme le peintre Daniel Monstier, comme le diplomate Villiers Hotman, comme les

  1. La dernière de ses publications dans ce genre semble avoir été : Le Droit du roi sur les sujets chrétiens à ceux de la religion p. r.. 1622.
  2. Reparties sur la très humble et très importante remontrance au Roi. Lettre de change protestée.