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pamphlétaire à cette épreuve, voyons dans quelles dispositions elle nous mettra pour aborder l’étude de ses pamphlets.

Né en 1582 à Saint-Germain-Laprade près du Puy-en-Velay[1], Mathieu de Morgues acheva ses études chez les Jésuites d’Avignon, y fit son noviciat et y professa. Il ne resta pourtant pas dans la compagnie, et la façon dont il en sortit donna prise plus tard à ses adversaires, qui l’accusèrent, les uns d’avoir escaladé, en compagnie d’un de ses éleves, les murs du collège, un autre d’avoir été exclu de l’ordre, « à cause qu’il avait exercé parmi les jeunes écoliers l’amour de Ganimède[2]. » En se justifiant de la première de ces accusations, il semble bien reconnaître que la manière dont il quitta la célèbre société fut tout au moins insolite, car il crut nécessaire de la légitimer auprès de l’autorité compétente et d’en amoindrir la gravité par des circonstances atténuantes. Quant à l’insinuation qui incriminait ses mœurs, il ne l’a pas relevée et peut-être ne l’a-t-il pas connue ; il serait peu équitable, en tout cas, de s’en armer contre lui sur l’unique témoignage du folliculaire sans autorité qui l’a lancée. Entré dans les ordres, curé d’Aubervilliers-les-Vertus et, s’il faut l’en croire, curé zélé et populaire, il quitta pourtant sans regret le ministère pastoral pour être attaché, en qualité de prédicateur, à la maison de Marguerite de Valois (1613). Il y resta jusqu’à la mort de cette princesse (1615). Dans ce milieu composite, savant, lettré, raffiné, licencieux comme le siècle qui venait de finir, comme la cour des Valois dont il perpétuait les traditions, l’ex-curé de banlieue, d’abord un peu dépaysé, acquit toute la souplesse et l’ouverture d’esprit, toute l’aisance mondaine que son tempérament, plus vigoureux qu’alerte et délicat, lui permettait d’acquérir.

La mort de sa maîtresse lui avait à peine fait perdre sa situation que, grâce à la protection du grand aumônier, le cardinal du Perron, il en trouva une autre qui le rapprochait davantage de la source principale des faveurs : il devint prédicateur ordinaire du roi. Il prêcha beaucoup. Comment prêchait-il ? Nous n’avons, pour en juger, que deux morceaux oratoires : une oraison

  1. Cette esquisse biographique est empruntée en grande partie à l’Essai sur la vie et les œuvres de Mathieu de Morgues, publié par M. Perroud dans les Annales de la Société d’agriculture, sciences et arts du Puy, t. XXVI, année 1863. Nous y avons ajouté le résultat de quelques découvertes personnelles.
  2. Réponse à la Remontrance de Mathieu de Morgues, par Drion, Bibl. nat.. mss. franc., 641.