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un nouvel attentat au droit des gens, encore plus odieux que celui de juin 1859.

Le 12 septembre 1860, M. Parkes, consul d’Angleterre à Canton, et M. Wade, secrétaire interprète, furent envoyés à Tong-chaou par lord Elgin. Après un entretien très pénible, qui ne dura pas moins de huit heures, où les plus graves questions furent reprises et débattues très vivement dans leurs moindres détails, Tsaï remit aux commissaires anglais une lettre d’adhésion pleine et entière. En conséquence, un certain nombre de Français et d’Anglais se rendirent à Tong-chaou le 18 septembre. Le 19, quelques-uns seulement purent revenir au camp ; trente-cinq étaient retenus prisonniers, parmi lesquels le colonel Foulon de Grandchamp, l’abbé Duluc, M. Loch, secrétaire de lord Elgin, etc. Ces délégués avaient été, dans le cours même d’une négociation diplomatique, l’objet d’un atroce guet-apens ; le gouvernement chinois les gardait comme otages et, chaque fois qu’on subordonna la suspension des hostilités à la remise des prisonniers, feignit de ne pas entendre. Un petit nombre d’entre eux, parmi lesquels M. d’Escayrac de Lauture, furent ramenés plus tard au camp après avoir subi les plus horribles traitemens ; les autres avaient été torturés et massacrés dans les prisons de Pékin. Un édit impérial du 20 septembre[1] avait prodigué les encouragemens aux bourreaux. C’est ainsi que les Chinois préludèrent aux conventions de paix additionnelles du 24 et du 25 octobre 1860. Le 24 octobre, lord Elgin obligea le prince Kong à délivrer un certificat attestant que le sceau mis au bas du parchemin était le sceau véritable de l’empereur et que celui-ci était définitivement engagé ; c’était un excès de précaution justifié par l’excès de la fourberie chinoise.

Les Japonais savaient à quoi s’en tenir. En 1895, le Céleste-Empire, battu sur terre et sur mer, leur envoya pour traiter de la paix des ambassadeurs, porteurs d’une lettre impériale, mais dépourvus de tout pouvoir régulier, ce qui permettait de traîner en longueur et de désavouer, au bon moment, tous les délégués. Ceux-ci furent immédiatement renvoyés en Chine, et le cabinet de Tokio put s’aboucher un peu plus tard avec Li-Hung-Chang, investi de pouvoirs explicites.

La Chine s’est engagée, en 1900, dans un nouveau labyrinthe

  1. Dont le texte est reproduit dans l’Annuaire des Deux Mondes de 1860.