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de Macao dans la rivière de Canton, promettant toutefois de payer un tribut annuel et reconnaissant d’une manière formelle que l’autorisation donnée par le gouvernement chinois était un acte de simple tolérance. Cependant, le Fils du Ciel entrait, par le traité sino-russe du Nertschinsk, en 1689, en relations diplomatiques avec une puissance européenne : la Russie obtenait pour ses nationaux l’autorisation de commercer librement sur tout le territoire du Céleste-Empire. Il est vrai que la Chine se repentit de cette condescendance et chassa de Pékin, en 1722, les marchands russes ! Mais, en 1728, un nouveau traité fut conclu à Kiatka, sur la frontière de la Sibérie, et les relations commerciales furent rétablies à la condition que les échanges se feraient désormais sur la frontière, au lieu même où la convention était signée. Les Russes étaient autorisés à fonder un collège à Pékin. Bien plus, la dynastie mandchoue tolérait dans sa capitale la présence d’un archimandrite russe et d’une légation ou plutôt d’une commission commerciale, renouvelable tous les dix ans. Ce serait donc une erreur de se figurer que la Chine a fermé jusqu’en 1842 ses frontières au trafic extérieur et qu’elle renonça subitement, après la guerre de l’opium, à cette politique.

D’ailleurs, dès l’année 1637, les Anglais avaient paru devant Canton : sept ans plus tard, lorsque l’invasion tartare commença, le port de Canton était ouvert à leurs navires. Il s’ouvrit bientôt aux bâtimens d’autres nations lointaines. A vrai dire, le trafic de ces négocians « barbares » était chargé d’entraves. Ils ne pouvaient prolonger, chaque année, leur résidence au-delà de six mois, ni construire leurs factoreries hors d’un espace très resserré, ni transporter sur leurs propres embarcations les marchandises de Canton à bord de leurs navires, qui devaient être ancrés auprès de Whampoa, c’est-à-dire à 12 milles de la ville. Toute communication directe avec l’autorité locale leur était interdite ; on réservait à certains marchands (hanistes) la souillure du contact étranger. Il n’y avait pas moyen de vendre ou d’acheter sans offrir la coûteuse garantie de ces intermédiaires responsables envers le gouvernement chinois non seulement des droits à payer par les navires, mais encore des délits commis par les capitaines et par les équipages. Ces restrictions et ces vexations, sans parler d’humiliations terribles que le Prince de Joinville a très exactement décrites dans cette Revue[1], furent

  1. Voyez, dans la Revue du 1er juin1857 l’article signé V. de Mars.