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REVUE DES DEUX MONDES.

Ou bien encore, dans les Chants à Marie :

Entends comme je t’appelle ! — Ce qui me manque, tu le vois en moi. — Douce mère, laisse-toi toucher ! — Consens à m’accorder un signe de ta grâce ! — Tout mon être ne repose qu’en toi : — pour un seul instant, viens près de moi !

Souvent, dans mes rêves, je l’ai vue — si belle, si intime de cœur ; — et le petit dieu, sur tes bras, — voulait prendre pitié de mes peines ; — mais toi, tu relevais ton regard hautain — et tu t’en retournais dans la gloire des nuées.

Tu sais, reine chérie, — que tout entier je suis à toi. — N’ai-je pas jadis, il y a de longues années, — éprouvé en moi ta bienfaisante faveur ? — Lorsque j’avais encore à peine conscience de moi-même, — n’ai-je pas été admis à boire le lait de ta poitrine ?

Mille fois tu es venue près de moi, — et avec une joie d’enfant je t’ai vue, — et ton enfant m’a tendu ses petites mains, — tandis que tu me souriais tendrement — et que tu me donnais des baisers de mère, ô temps bienheureux !

Loin de moi est maintenant ce monde enchanté ; — depuis longtemps la souffrance l’a remplacé en moi. — J’ai erré et péri tristement. — Mon péché a-t-il donc mérité une telle peine ? — Comme un enfant, je touche les plis de ta robe. — Mère, réveille-moi de ce mauvais rêve !

Et, si seul un enfant peut contempler la face — et jouir de ta présence auprès de lui, — alors dénoue les liens de l’âge — et fais de moi, mère, ton enfant ! — Mon amour enfantin, ma foi enfantine, — vois-tu, je les ai gardés depuis cet âge d’or !

IV


L’ingénuité de sa foi n’empêchait pas, au reste, Novalis d’approfondir librement les questions religieuses, avec ce mélange de hardiesse, de pénétration, et de fantaisie qu’il apportait à l’étude des sujets les plus divers. Ses Fragmens abondent en réflexions originales sur la différence de l’Ancien et du Nouveau Testament, sur l’authenticité des Écritures Saintes, sur la signification symbolique des dogmes chrétiens. Et un heureux hasard nous permet de connaître même d’une façon plus suivie et plus systématique l’ensemble de sa pensée en matière religieuse. Dans les premiers mois de l’année 1800, Novalis fut sollicité, par ses amis les frères Schlegel, d’écrire un article pour une revue, l’Athenæum, qu’ils venaient de fonder à léna. Il écrivit donc l’article qu’on lui demandait, l’envoya à léna, et, quelques semaines plus tard, le manuscrit lui fut renvoyé. La maîtresse de Frédéric Schlegel, Dorothée Veit, — qui devait, peu de temps après, se convertir