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artistique. On croyait la bien connaître : ils nous en ont révélé l’antiquité, l’éclat chez ces très anciens maîtres qui nous confondent par la liberté, la vérité de leur art. Leurs héritiers nous ont fait voir cette tradition honorablement continuée ; tisseurs incomparables, ils savent seuls transporter sur une étoffe toute la poésie de la nature. Et ces petits artistes nous sont apparus les plus pratiques, les plus entreprenans des hommes, dans les métiers prosaïques où on lutte contre cette même nature pour lui arracher la richesse ; agriculteurs, négocians, machinistes, marins, on les rencontrait dans toutes les sections, ils grouillaient et excellaient partout. L’occasion leur a été fournie de faire une exposition vraiment intégrale ; nous entendons par-là qu’ils ont pu montrer leur vitalité politique et militaire en regard de leurs aptitudes commerciales, artistiques. Dans le même temps qu’ils étonnaient et charmaient l’Europe à Paris, les Japonais la sauvaient en Chine d’un danger et d’une honte. Leurs troupes subjuguaient l’admiration des nôtres par les plus rares qualités d’organisation, de bravoure, d’intelligence. — C’était un problème obscur, jusqu’à ce jour, de savoir si l’acclimatation hâtive de notre civilisation donnerait des fruits durables au Nippon : l’année 1900 l’a provisoirement résolu. Dans les arts de la paix et de la guerre, dans tous les champs de la concurrence vitale, l’Empire du Soleil Levant s’est montré de taille à défier, à égaler bientôt les plus fortes, les plus fières nations de l’Occident. Il commence bien le siècle, ce jeune triomphateur !

L’exemple qu’il donne nous fournira nos conclusions. — Elles seraient longues comme un jour sans pain, si nous jouions au petit jeu qui consiste à chercher dans l’Exposition testamentaire la figure totale du siècle révolu. Jeu dangereux : il pourrait tourner à la confusion de la défunte ; quelque vieillard quinteux observerait peut-être que ce siècle entra dans l’histoire par l’arche triomphale où chantent les victoires, là-haut, et qu’il en sort par l’arche moins épique de la Salamandre. Nous avons d’ailleurs une bonne raison de ne pas symboliser à outrance. On oublie vraiment trop que cette synthèse du siècle a déjà été tentée, en 1889, et qu’elle ne s’appelait pas pour rien l’Exposition du Centenaire. Nous venons d’en voir une répétition. Celle-ci ne pouvait ni changer ni éclairer davantage des traits déjà fixés et parfaitement visibles, quand on les étudiait en 1889 sur le visage du nonagénaire. Nous essayâmes alors de les retracer et d’en