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de préférer ceux qui font le moins de victimes sur la voie publique : ce seraient sans doute aussi les moins estimés par les connaisseurs.

Concours international, l’Exposition devrait nous permettre de classer chaque nation à son rang de mérite. Ces épreuves ne sont jamais décisives, les concurrens ne se prêtent pas également à la joute et n’y donnent pas le même effort. Il en est deux qui n’ont rien négligé pour nous faire admirer leur rapide avancement. — L’Allemagne, assurait-on, avait médité de nous éblouir ; elle nous a tout au moins instruits. Ceux de nos compatriotes qui lisent ou voyagent beaucoup connaissaient la prodigieuse ascension économique de nos voisins, la perfection de leur outillage, l’opulence de ces anciens pauvres. La masse des Français vivait encore sur ses préjugés d’un autre temps. Ces six mois lui auront dessillé les yeux. Au dire des gens compétens, les machines allemandes, moins ingénieuses peut-être que les américaines, l’emportent sur toutes les autres pour la puissance et l’exactitude du travail. Dans les arts, dans toutes les productions qui requièrent le goût et le sentiment de la beauté, ces rivaux ne nous ont point paru inquiétans. Nous les trouvons en revanche aux premières places dans les recherches et les utilisations de la science pratique, dans les manufactures, les usines, dans toutes les branches du négoce ; l’activité germanique y est récompensée par la richesse. Activité méthodique, disciplinée, subordonnée partout à un plan d’ensemble et à une direction supérieure. La volonté directrice s’est fait sentir jusque dans l’invasion de notre grande foire par ces hôtes naguère inattendus, et qui emporteront le souvenir de notre accueil courtois. On a pu dire de cette réunion internationale qu’elle était avant tout l’Exposition des Allemands : on ne voyait qu’eux, on n’entendait que leur langue, au Champ-de-Mars et sur les rives de la Seine. Le bruit a couru qu’ils avaient offert de fournir à eux seuls toute la force et toute la lumière que réclamaient les services en retard de l’Exposition. Le contrat aurait été proposé ; et, comme il y a des symbolistes jusque dans les affaires, ceux-ci auraient reculé devant le symbolisme formidable de ce simple énoncé : Paris recevant des mains allemandes sa force et sa lumière.

Nous avons salué l’avènement d’une autre nation au rang de grande et de très grande Puissance. Au contraire des Allemands, les Japonais nous ont d’abord séduits par leur supériorité