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à 1874. M. Caillaux, ministre des Finances, a publié dans le projet de budget de 1901 un tableau des recettes et des dépenses effectuées depuis 1869 : il n’est pas de mise ici, parce que ce tableau ne comprend pas les « fonds spéciaux, » ainsi que je l’ai expliqué plus haut, — qui sont partie intégrante de tous les budgets cités jusqu’à présent et qui n’ont cessé, je le rappelle, de figurer dans nos tableaux budgétaires que depuis 1893. Il faut se garder soigneusement des chiffres risquant de tromper les yeux mal exercés.

Ce n’est pas tout.

Nous avons jusqu’ici inscrit les chiffres de toutes les recettes et de toutes les dépenses, quelle que fût leur nature, extraordinaires et ordinaires comptées ensemble. En effet, les dépenses extraordinaires méritaient sans doute leur nom ; mais le caractère excessif et passager des dépenses extraordinaires nécessitées par les événemens de 1870 et de 1871 dépasse singulièrement en intensité le caractère « extraordinaire » de celles jusqu’alors ainsi qualifiées. Jamais on n’avait eu à dépenser « extraordinairement » 650 millions comme en 1870, 675 millions comme en 1871, 288 comme en 1875, 404 comme en 1879, 721 comme en 1881, etc. Lorsque nous demandions, il y a près de vingt ans, la suppression des budgets extraordinaires, nous ne demandions pas leur maintien sous forme de budget ordinaire, leur consolidation définitive à la charge des contribuables. Suppression signifiait suppression. Ni plus ni moins. Or les dépenses ont bien changé de nom, mais beaucoup moins de chiffres ; de sorte que si l’on considérait, depuis 1870 comme auparavant, le total général des dépenses ordinaires et extraordinaires, on altérerait profondément la réalité des choses, on mesurerait de la manière la plus fausse la marche de nos budgets. La vérité veut que l’observation porte sur les dépenses ordinaires, qui seules correspondent aux charges annuelles des contribuables, aux ressources normales fournies par les impôts et les diverses recettes de l’Etat, qui seules, par conséquent, permettent de déterminer avec précision suivant quelles proportions, quelle amplitude, les prélèvemens opérés sur les produits du travail national augmentent ou diminuent.

La colonne 22 (total général) du Mouvement des Budgets de 1869 à 1901 publié par le ministre des Finances ne pourrait donc qu’égarer l’opinion publique et non l’éclairer, et la colonne 2