Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 162.djvu/356

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le projet déposé par le gouvernement contenait une disposition relative au règlement de l’arriéré postérieur au 1er avril 1814, mais les résolutions déjà prises sur l’arriéré antérieur à cette date étaient tenues pour définitives. La Commission du budget jugea préférable de reprendre en son entier la question de l’arriéré sans aucune distinction, et de consolider toute la dette arriérée, suivant un système développé longuement dans un rapport de M. Corbière, lu à la tribune le 9 mars, portant sur l’ensemble du budget. Un rapport spécial sur les Contributions indirectes fut présenté par M. Feuillant, et un troisième rapport spécial aux Douanes présenté par le baron Morgan. Cinq jours après ces communications à la Chambre, la discussion s’ouvrit par un discours du baron Pasquier, parlant au nom des commissaires du roi, qui posa immédiatement la question de principe soulevée par le rapport de M. Corbière et par les décisions de la Commission. Elle n’était certes point suspecte d’esprit révolutionnaire, cette Commission, comptant parmi ses principaux membres MM. Cornet d’Incourt, le marquis de Saint-Géry, le marquis d’Archimbaud, le prince de Broglie, de Villèle, le comte de Scey, le comte de la Bourdonnaye, le vicomte de Castelbajac, etc. ; pourtant elle usurpait purement et simplement, au dire du baron Pasquier, une prérogative essentielle et exclusive du gouvernement, en prenant l’initiative qu’elle avait prise pour la consolidation intégrale de l’arriéré, alors que le roi ne l’avait point proposée et qu’une loi antérieure, du 23 septembre 1814, avait réglé déjà les droits de certaine catégorie de créanciers.

« Combien, dit M. Pasquier, ne seraient pas effrayantes les conséquences du système suivi par la Commission ! Quel serait le sort de l’État, de l’administration de l’Etat, si, chaque année, chaque budget venait remettre en question la législation existante ?… Il faut songer à l’avenir et se demander ce que deviendraient la charte et la monarchie, ce que deviendraient les trois pouvoirs si l’un d’eux faisait aux autres une loi nécessaire d’obtempérer à sa volonté. Et ne serait-ce pas une manière certaine pour la Chambre d’arriver à concentrer en elle-même toute l’action de l’autorité (législative que de pouvoir faire ainsi, chaque année, de l’adoption d’un budget la condition des changemens qu’elle voudrait opérer dans la forme et l’exercice de toute administration, de tout pouvoir ?… Il faut le dire franchement, le gouvernement passerait tout entier dans la Chambre… »