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en considération tous les points qui étaient à régler pour établir sur des bases équitables la séparation des deux Etats. Au nombre de ces questions assez nombreuses, la plus délicate peut-être était le partage à opérer dans la dette qui leur était commune. Il y avait lieu de tenir compte de l’origine de chaque créance, des conditions auxquelles une fusion avait été opérée entre elles au moment de la réunion, et aussi de l’emploi fait depuis lors, à l’avantage de chaque Etat, des fonds d’emprunt contractés en leur nom. Il était impossible de ne pas prévoir qu’une liquidation contentieuse de ce genre donnerait lieu à de vives contestations des deux parts. Aussi, bien qu’un plan de partage eût été préparé par des commissaires spéciaux dont la compétence était reconnue, la Conférence n’avait-elle cru devoir prendre à ce sujet une décision d’autorité souveraine, comme elle se croyait en droit d’en rendre sur les questions des limites territoriales. Elle donnait à ce projet simplement le nom d’arrangemens proposés à débattre entre les intéressés. Poussant même la prudence plus loin et craignant, dans l’état d’excitation des esprits en Belgique, de les enflammer encore par de nouveaux objets de controverse, elle avait autorisé ses mandataires à Bruxelles à ne donner communication du protocole contenant le projet d’arrangement qu’au moment qu’ils jugeraient opportun pour le faire discuter de sang-froid[1].

Ou cette réserve ne parut pas satisfaisante à Sébastiani, ou il n’en comprit pas bien la portée ; mais, désireux de rétablir sa popularité en Belgique en s’associant à ses velléités d’indépendance, il se décida non seulement à retarder la communication du protocole, mais à n’y pas donner son adhésion, refusant ainsi de faire honneur à la signature qu’y avait apposée Talleyrand. C’était soulever incidemment et résoudre dans le sens restreint, soutenu par les Belges, la question plus générale de la limite et de la définition des pouvoirs dont la Conférence était investie. M. Bresson, informé de cette abstention de la France, fut non seulement invité à retarder la communication du protocole, mais prévenu qu’il ne devait y être donné aucune suite.

C’était une règle de conduite personnelle dont on ne l’autorisait pas à donner, au moins publiquement, connaissance. Mais M. Bresson crut entrer dans la pensée de son chef, dont cette fois l’intention lui convenait, en constatant ouvertement que la

  1. Protocole du 27 janvier 1831. Talleyrand à Sébastiani, 29 janvier.