Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 162.djvu/273

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ainsi plus que jamais circonscrit entre les deux candidatures qu’on persista à mettre de gré ou de force en présence, sans écouter de pari ni d’autre pas plus conseils qu’objections.

« Nous sommes ici sur un volcan, » écrivait le 26 janvier un ami personnel de la famille royale, un petit-fils de Mme de Genlis, le général Lawœstine, qu’on avait envoyé à Bruxelles, où sa famille était apparentée. Il s’était chargé de relever le courage de M. Bresson, dans la pression désespérée qu’il avait à subir, surtout des amis personnels et dévoués de la France ; mais lui-même ne tarda pas à sentir que le terrain d’une résistance absolue était impossible à maintenir. « Aujourd’hui, écrivait-il, le Père Eternel en personne ne ferait pas admettre une autre combinaison. Un prince napolitain (c’était un nom qu’à tout hasard on avait encore essayé de prononcer), quelque charme que l’imagination la plus poétique puisse lui prêter, vous ferait jeter par la fenêtre, si vous osiez en parler… Il faut que vous voyiez le roi, Madame, le duc d’Orléans, pour leur dire qu’ils doivent s’attendre à l’événement que je vous annonce ; rien ne saurait l’empêcher, rien n’arrêtera non plus l’envoi d’une députation qui viendra se jeter aux genoux du roi pour lui demander son fils, en se vouant, s’il le refuse, à périr dans toutes les horreurs de la guerre civile. J’avoue que je ne suis pas assez diplomate pour n’avoir pas le cœur déchiré par tout ce que je vois. Que voulez-vous répondre à des hommes comme Brouckère, comme Surley de Choquier, qui vous disent, quand vous leur parlez de la guerre et de toutes ses conséquences : « S’il le faut, nous donnerons notre dernier écu et notre dernier enfant, et nous ne nous plaindrons pas si c’est pour le roi Louis-Philippe et pour la France, sacredieu ! » Il faut avoir devant les yeux le roi et sa fatale défense pour ne pas dire comme eux. J’ai été inexorable, mais j’ai le cœur navré… » Et il ajoutait : « Lord Ponsonby se conduit ici comme un misérable. »

Enfin, le moment de l’élection étant fixé pour les derniers jours du mois, M. Bresson, n’y pouvant tenir, se décida à faire une course rapide à Paris pour faire au roi lui-même un exposé fidèle de l’urgence de la situation. Le roi le reçut, et ce fut une entrevue assez curieuse, dont il m’a fait plus d’une fois le récit. Elle fut très courte. Les soixante-dix lieues qui séparent Bruxelles de Paris n’étaient pas parcourues alors en moins de quatre heures, comme elles le sont aujourd’hui par les trains express de chemins de fer. Pour l’aller et le retour, plus de deux jours étaient