Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 162.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’ardeur la proposition, mais il dut se rendre à la considération que, tant que le grand-duché restait compris dans les possessions du roi des Pays-Bas comme membre de la Confédération germanique, aucune modification ne pouvait être apportée à son état politique sans le concours de son propriétaire nominal. Il obtint seulement que l’avenir fût ménagé sous la forme de cet article final : « Les puissances se réservent d’examiner, quand les articles relatifs à la Belgique seraient terminés, s’il n’y aurait pas lieu d’étendre, sans préjudice des droits des tiers, aux pays voisins le bienfait de la neutralité. »

Bien qu’il fût sorti tout épuisé et même affamé de cette longue séance, il eut encore la force d’écrire à la princesse Adélaïde la curieuse lettre suivante, qui fait voir tout ce qu’il attendait, non sans raison, de l’avenir qu’il avait préparé.

« Le courrier que j’expédie aujourd’hui à Paris au général Sébastiani porte au roi une décision beaucoup plus importante que tout ce qui s’est fait à Londres depuis que la Conférence est ouverte. Je suis sûr que Mademoiselle le jugera comme moi, et qu’elle trouvera que tous les autres partis à prendre, relativement à la Belgique, deviennent secondaires et moins difficiles lorsque les forteresses seront mises hors de cause ; et elles y sont entièrement par cette neutralité à jamais établie et que nous avons stipulée en imitation de la neutralité helvétique. La Conférence qui l’a déclarée a duré hier depuis deux heures jusqu’à dix heures et demie du soir sans interruption. La discussion a été vive, mais je n’ai pas cru devoir céder d’une ligne ; peu à peu, cependant, on est revenu à mon avis, et M. de Bulow lui-même, après une forte résistance, a fini par laisser insérer une phrase (vague à la vérité) sur la neutralité du Luxembourg, mais qui me permettra de traiter cette grande question à Paris. Il me paraît que la France, voisine au Nord et au Midi de deux Etals dont la neutralité immuable est reconnue, se trouve avec des frontières bien mieux préservées encore que toute autre puissance continentale. Ainsi se simplifie une question qui paraissait à tout le monde hérissée de difficultés. Je ne me dissimule pas que les partisans de la guerre en seront mécontens, mais c’est aux vœux réels du pays que l’esprit libre et éclairé du roi se rattache, et j’ai réussi à le satisfaire. J’oserai dire à Mademoiselle, qui me permet de lui soumettre toutes mes impressions, même celle de la vanité, que la journée d’hier est une de celles qui me paraissent devoir tenir une bonne