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si on nous le dit. Mais alors pourquoi faire en quelque sorte bande à part parmi les puissances, et prendre cette attitude à deux juste au moment où vont s’ouvrir, — nous l’espérons du moins, — les négociations avec la Chine ? Celle-ci, astucieuse et patiente, perspicace aussi, n’a qu’une préoccupation, qui est de désagréger le bloc des puissances de manière à les séparer les unes des autres, à opposer celle-ci à celle-là, et à négocier très lentement en profitant de leurs divisions. Était-il bien opportun de lui donner à croire que, dans certaines hypothèses qu’on envisage publiquement, deux d’entre elles pourraient avoir des intérêts distincts des autres ? N’y avait-il pas là un inconvénient ? Il est probable qu’on l’a aperçu à Londres et à Berlin : néanmoins on a passé outre, sans doute parce qu’on a estimé d’une importance supérieure de faire connaître à l’univers qu’un rapprochement venait de s’opérer entre l’Allemagne et l’Angleterre, rapprochement que la presse des deux pays s’efforce de présenter comme très intime. L’est-il en réalité ? Cela ne ressort pas du texte de l’arrangement, puisqu’il ne s’agit là que d’une hypothèse peu vraisemblable, dans laquelle on s’est seulement entendu pour dire qu’on s’entendrait, si elle venait à se présenter. On reconnaît un de ces accords strictement limités comme l’Angleterre aime à en faire, qui lui laissent pour tout le reste la pleine liberté de ses allures. Rien ne ressemble moins à une alliance. Mais pourquoi a-t-on publié solennellement cet accord ? Pourquoi en a-t-on saisi officiellement les puissances ? Pourquoi les a-t-on invitées à y souscrire ? En lui-même il serait peu de chose, si, par la mise en scène avec laquelle on l’a découvert et lancé dans le monde, on n’avait pas voulu faire croire que son texte littéral ne disait pas tout ce qu’il contenait. Et c’est de cela que nous devons sans doute nous tenir pour avertis.


La place nous manque pour parler de la situation de l’Espagne et de la crise ministérielle qui vient de se produire à Madrid, avec tous les développemens qui conviendraient à l’importance de l’incident. M. Silvela a donné sa démission en pleines vacances parlementaires : au reste, il avait déjà modifié son cabinet, non pas en présence des Chambres, mais aussitôt après leur séparation, ce qui montre avec trop d’évidence que le gouvernement parlementaire renferme, de l’autre côté des Pyrénées, une part de fiction plus grande encore que partout ailleurs. L’origine de la crise tient à la mort, assurément très regrettable, du maréchal Martinez Campos, qui était président du Sénat. M. Silvela a commis une imprudence en allant chercher un