Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 162.djvu/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

anglaises. Quant à nous, qui sommes restés les amis de l’Angleterre, nous ne lui souhaitons qu’une chose, à savoir que les nouveaux procédés de la politique impérialiste lui réussissent aussi bien que les anciens. Ce sont ces derniers, quoi qu’en pense M. Chamberlain, qui ont jeté les assises britanniques, et cela sur un plan immense ; et, si des hommes d’État comme lui peuvent se livrer maintenant à toutes leurs fantaisies, s’ils sont adoptés aveuglément par leurs compatriotes et sont tolérés à l’étranger, c’est parce qu’ils ont trouvé toutes faites une force et une grandeur dont ils abusent. Beaucoup de gens croient que l’Angleterre aurait tout avantage à rester fidèle à des traditions qui l’ont si bien servie.


Reportons nos yeux sur un autre point du monde : aussi bien y retrouverons-nous bientôt l’Angleterre. Il s’est passé en Allemagne un événement qui, bien qu’il ne fût pas inattendu, a vivement attiré l’attention. Le prince Hohenlohe, chancelier de l’Empire et président du ministère prussien, a donné sa démission, qui a été acceptée par l’Empereur. Depuis quelque temps déjà l’âge, sans affaiblir ses facultés, lui avait inspiré le désir et le besoin du repos. Il ne prenait plus, en réalité, aux affaires qu’une participation intermittente ; on sentait même qu’il commençait à s’en détacher. Le sentiment général en Allemagne est qu’il s’est très médiocrement intéressé aux affaires de Chine. Il ne gênait personne, s’occupant de peu de choses, et peut-être faut-il chercher là le secret de sa longévité politique. Il se retire, entouré d’estime et de considération, après une longue carrière fort honorablement remplie, où il a toujours apporté des qualités de bon sens, de modération et de tact.

Son successeur est un homme dans la force de l’âge et du talent, investi de la confiance de son souverain, qui, en quelques années, l’a fait monter de l’ambassade de Rome au sommet le plus élevé de la hiérarchie politique. M. le comte de Bulow justifie d’ailleurs par son mérite ces sourires de la fortune. Partout où il est passé, il a laissé le souvenir d’un diplomate fin, souple, délié, fort aimable aussi, ce qui ne gâte rien. Depuis qu’il est ministre, il a conduit avec beaucoup d’adresse les affaires extérieures de son pays. L’opinion allemande lui était favorable ; de tous les choix que l’Empereur pouvait faire, c’était en somme celui qui devait soulever le moins d’objections. Cela ne veut pas dire que la situation du nouveau chancelier soit facile ; il s’en faut même de beaucoup ; mais les difficultés de la situation ne tiennent pas à sa personne. On sait combien les partis sont ardens