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de juillet 1900, la Chambre des députés françaises a voté une prime à l’exportation des blés, de 7 francs par quintal, qui à la vérité ne serait pas payée en espèces à l’agriculteur, mais qui s’octroierait sous forme d’un bon de même valeur, lequel pourrait servir à acquitter vis-à-vis du Trésor des droits d’entrée sur des articles d’importation. L’absurdité d’un pareil système, qui non seulement porterait le préjudice le plus grave à nos finances en diminuant dans une proportion incalculable les recettes publiques, mais qui aurait pour effet de renchérir le prix du pain, éclate à tous les yeux ; il n’est pas possible que le Sénat le sanctionne. Il n’en est pas moins intéressant à signaler, comme symptôme de l’état d’esprit d’une nation moderne, qui, au lieu de se préoccuper de laisser aux échanges, à la production, à la consommation, la liberté la plus grande, prétend agir par voie législative sur le prix des choses, sur les conditions mêmes de la production.

Qui ne voit à quelles conséquences le genre humain serait peu à peu amené, si chaque peuple instituait des lois analogues à celles que nous venons de citer ? D’une part, en exhaussant sans cesse la muraille douanière dont il s’entoure, il cherche à interdire son territoire aux objets produits ou fabriqués par les étrangers : mais en même temps, il prétend trouver chez ceux-ci un débouché pour l’excès de marchandises qu’il produit en quantités supérieures aux besoins de ses propres habitans. Pour y arriver, il prélève sur les recettes du Trésor des sommes qu’il paie aux industriels ou aux agriculteurs, afin de leur permettre de vendre au dehors leur fer ou leur blé à meilleur marché qu’à l’intérieur, au-dessous même du prix coûtant. Mais les agriculteurs et les industriels des pays ainsi inondés de produits dont le prix est artificiellement déprimé résistent ; à leur tour, ils invitent leurs gouvernemens à rehausser les droits d’entrée sur ces catégories spéciales d’objets par des taxes dites de compensation, et la situation est ramenée à ce qu’elle était auparavant. Dans certains cas, une nation peut trouver avantageux de recevoir à des prix infimes, par suite des sacrifices consentis par un État étranger, des approvisionnemens d’une matière qu’elle ne produit pas. C’est ainsi que la Grande-Bretagne, grâce aux primes de sortie accordées par la France, l’Allemagne, l’Autriche, achète le sucre à un prix qui représente le tiers ou le quart de celui que nous payons ; n’était la question de quelques-unes