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Transvaal enfin, qui va forcer l’Angleterre, dont la flotte est déjà la première du monde, à réorganiser et à renforcer son armée de terre, à renouveler ses approvisionnemens, et qui aura sans doute pour conséquence une accélération du mouvement de colonisation et d’équipement de l’Afrique. En dernier lieu, le soulèvement des Boxeurs chinois et les massacres de Pékin ont eu leur contre-coup sur les marchés charbonnier et métallurgique : si d’une part les diverses entreprises et notamment les constructions de chemins de fer, commencées sur différens points du territoire du Céleste-Empire, subissent un temps d’arrêt, une impulsion nouvelle est donnée aux armemens terrestres et maritimes ; le prix des charbons propres à la navigation se maintient, et réagit par contre-coup sur celui des charbons industriels ; le taux des frets reste également élevé. Ce nouvel incident prolonge les effets de la guerre sud-africaine, qu’on s’attendait à voir disparaître vers la fin de l’an 1900.

Le « fait du prince » n’a donc rien perdu de son importance dans les conjonctures présentes. C’est plutôt la consommation particulière qui tend à se restreindre sous l’influence des hauts prix : les fers de construction par exemple sont moins demandés. Il conviendrait d’ailleurs d’examiner les pays séparément, si nous voulions exposer la situation de chacun d’eux, au moment précis où nous écrivons. Nous verrions par exemple que la crise a commencé en Russie plus tôt qu’ailleurs, sous l’influence de causes spéciales à cet empire : deux mauvaises récoltes consécutives avaient diminué les ressources des paysans, grands consommateurs de fer ; la réforme monétaire et la sévérité extrême avec laquelle la circulation des billets de la Banque de Russie a été réduite, ont raréfié les capitaux disponibles et élevé le loyer de l’argent à Saint-Pétersbourg et à Moscou ; le gouvernement, désireux de ménager ses ressources, a ralenti ses commandes pour les chemins de fer, dont il administre et exploite les trois quarts, soit près de 50 000 kilomètres. De nouvelles usines, construites en grand nombre par des étrangers, ont soudainement mis à la disposition du pays des quantités de fonte et d’acier, qui ne dépassent assurément pas les besoins de l’immense territoire qui s’étend de Varsovie à Vladivostok, mais qui, offertes à une heure de gêne financière, n’ont pas trouvé aussitôt preneur et ont déprimé les cours, chose curieuse, au-dessous même du niveau établi en dehors de la Russie, et cela en