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de relever un peu plus tard les résultats. Des religieuses établies dans la mission élèvent des petites filles qui deviennent ensuite les femmes chrétiennes des noirs devenus chrétiens. Selon les dispositions qu’ils manifestent, les catéchumènes apprennent là les métiers les plus divers, le système général d’éducation étant de leur laisser le plus de liberté et d’initiative possible afin de leur apprendre à se conduire par eux-mêmes. Les résultats, me dit-on, sont jusqu’à présent satisfaisans, mais les Pères ne se font pas d’illusions sur l’inconstance et la profonde sauvagerie de leurs élèves ; aussi la surveillance est-elle très active et les abus réprimés avec une grande fermeté. Il existe déjà trois florissans groupes démissions dont dépendent plus de quatre-vingts fermes-chapelles reliées entre elles par des routes bien entretenues et bordées d’arbres fruitiers. Kimuenza, l’une d’entre elles, est située à quelques heures de Léopoldville et sa position exceptionnellement saine, relevée par l’hospitalité traditionnelle des Pères, en fait une villégiature appréciée des résidens du Stanley-Pool.

Nous voici roulant à plat dans la brousse. A six kilomètres du fleuve, la voie file en ligne droite sur le sable argenté jusqu’à N’Dolo, rivage du Congo ; puis elle bifurque à gauche et nous arrivons à Léopoldville. Malgré l’effet imposant de la réception qui nous est préparée à la descente du train, sur la berge même du fleuve, je suis captivé par l’intérêt de cette première vision d’un paysage grandiose qui me représente comme « la porte d’or » de l’Etat Indépendant. Sur cette colline, Stanley, qui venait de découvrir un des plus grands fleuves du monde, a campé en vue des rapides dont l’orientation lui dévoilait enfin le secret du bassin congolais. Avec quelle satisfaction d’orgueil il a dû contempler cette nappe immense, baptisée de son nom, et qu’il voyait déjà destinée à former le port naturel des dix-huit mille kilomètres de navigation qu’offrent ses eaux profondes ! Ici, il y a vingt-cinq ans, nul blanc n’était encore parvenu, cette région appartenait sans partage à des tribus cannibales ; aujourd’hui, le spectacle que j’ai sous les yeux est celui de la plus progressive civilisation : cinquante ou soixante steamers sont en service comme ceux que j’aperçois à quai, pour la navigation du haut fleuve ; la vapeur, l’électricité, activent ces chantiers, ces locomotives, ces bateaux ; et de solides constructions s’élèvent, alignées non sans art tout le long d’avenues montantes que bordent des arbres à pain, des manguiers et des jacquiers. Voici, me dit-on en me