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Le tam-tam qui s’entend, la nuit surtout, à une très grande distance, sert à télégraphier des nouvelles absolument comme avec les coups répétés de l’appareil Morse. Toute communication d’intérêt commun est ainsi transmise ; se répétant de village en village, elle se répand dans le pays avec une vitesse extrême. En expédition, il est fort utile de savoir reconnaître ces sons divers ; le blanc peut apprendre ainsi d’avance dans quelles dispositions se trouvent les populations qui l’environnent ; au besoin il peut leur adresser des messages. Outre les tam-tams, les indigènes ont aussi des tambours dont ils se servent pour leurs danses. J’ai eu maintes occasions d’assister à ces réjouissances au clair de la lune ou des étoiles. Leur caractère érotique s’accentue en raison des boissons fermentées ou alcoolisées qui se consomment. C’est la répétition grossière de la danse du ventre ; hommes, femmes, enfans s’y livrent pendant des heures entières, se suivant à la file, hurlant et chantant : ils donnent à leur chorégraphie disgracieuse et lourde le caractère d’une grande sauvagerie.

En parlant des abus de l’alcool, il serait injuste cependant de faire supposer qu’il se débite sans une réglementation sévère de l’Etat indépendant. Tout d’abord, les droits d’entrée, qui étaient seulement de 15 francs l’hectolitre, sont maintenant portés à 70 francs et la vente des spiritueux est même interdite dans tout le Haut-Congo. Malheureusement cette région du Mayumbé, accessible par plusieurs frontières et depuis longtemps approvisionnée d’alcool par les trafiquans, ne peut être traitée sur le même pied que les provinces encore indemnes du centre de l’Afrique. L’effort prohibitif est néanmoins considérable et même l’interdiction absolue de l’absinthe, qui vise tout particulièrement les blancs, n’est pas sans soulever d’amères critiques. Des mesures analogues sont prises contre l’introduction des fusils : leur transit est surveillé et leur vente interdite quand il s’agit d’armes de précision ou de munitions de guerre. Une nouvelle règle administrative contrôle même, dans la limite du possible, les indigènes porteurs de fusils à piston et, dans le Haut-Congo, le gouvernement s’efforce aujourd’hui d’arrêter jusqu’au commerce des armes ou de la poudre ordinaires.

La plantation que j’avais voulu visiter est un essai intéressant de culture du cacao et du caoutchouc. Défrichée depuis un an à peine, elle porte déjà trois ou quatre cent mille pieds de cacaoïers plantés à l’ombre des grands arbres de la forêt, que