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ces soldats indigènes sont insuffisans, car le recrutement des blancs, dans ces grades inférieurs, se fait assez difficilement. En effet, les Européens de quelque valeur passent très vite officiers et laissent derrière eux des places vides qu’occupent alors des noirs, bons soldats, mais d’une instruction trop rudimentaire. Quant aux officiers, il est impossible, après les avoir vus à l’œuvre, de ne pas admirer leur mérite. Un bon tiers, parmi eux, a été recruté dans différens pays d’Europe, au hasard d’engagemens qui ne sont pas toujours d’un contrôle facile. Presque tous sont irréprochables pourtant, et les Scandinaves se distinguent, d’une façon spéciale. Les deux autres tiers sont formés par des officiers de l’armée belge détachés pour quelques années, en vertu d’une fiction administrative, à l’Institut cartographique de Bruxelles. Malheureusement, sauf des appointemens assez brillans, ils ne trouvent pas pour l’avenir des avantages équivalens à leurs services, puisqu’ils doivent rentrer sans avancement dans l’armée belge. Il leur faut donc un robuste esprit d’aventures pour accepter de pareilles conditions. Et cependant, il s’est formé là une élite d’hommes tout à fait remarquables, non seulement dans les choses militaires, mais aussi dans les spécialités les plus variées. On en a fait des administrateurs, des planteurs, des bâtisseurs, que sais-je ? Ils se sont appliqués à tout, réussissant presque toujours, même quand il s’agissait de mourir héroïquement ; leurs noms s’échelonnent aujourd’hui en souvenirs glorieux de l’Atlantique aux rives du Nil, nombreux, plus nombreux qu’on ne le pense, puisque la dernière campagne contre les Arabes à elle seule a coûté la vie à plus de cinquante braves. C’est un honneur pour l’armée belge d’avoir fourni ce contingent glorieux, qui a remis en vue ses qualités d’endurance, de discipline et de valeur militaire.

Je n’avais que peu de semaines à passer au Congo ; il me fallut donc combiner mes excursions de façon à voir le pays sous ses principaux aspects : assimilation, colonisation et exploitation. Pour avoir une idée des régions aux grandes forêts et de leurs habitans primitifs encore, le Mayumbé s’offrait à moi, très proche de Borna. Cette province, si à portée cependant des premiers explorateurs, fut négligée dans les débuts de l’Etat ; il fallait pousser au plus loin d’abord pour assurer le mieux possible les positions sur les frontières orientales et détruire l’esclavage dans ses foyers les plus importans.