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précédentes. Elle leur est conforme et, pour la qualifier, on ne trouverait pas de meilleurs mots que ceux dont se servait Mozart pour louer sa petite amie. Jeunesse, « grâce et cordialité », la sonate a tout cela. « Très belle, » assurément, elle est « gentille aussi. » Elle est même « sérieuse. » Elle « a beaucoup de raison et elle est très posée pour son âge » ou pour celui de l’auteur. La vivacité, l’enjouement que donnent au premier morceau le mouvement et le rythme est tempéré, grâce au mode mineur, par je ne sais quelle mélancolie. Entre toutes les sonates de Mozart, elle est la sonate d’amour, d’un amour innocent et passager. Mozart ne fut point le maître et la petite Rose ne fut pas l’élève que seront un jour Beethoven et Thérèse de Brunswick ou Juliette Guicciardi. Quand Beethoven reverra Juliette, ou plutôt refusera de la revoir, il ne parlera pas, comme Mozart, de celle qui fut l’héroïne tout autre d’une tout autre sonate que la sonate en la mineur. Mais, que, les âmes étant diverses, les œuvres le soient aussi ; que des sonates de Mozart et de Beethoven, analogues par le sujet, diffèrent par le sentiment et le style, par la poetical et la practical basis, il n’y a pas de meilleure preuve que la musique a pour objet de manifester par les sons les degrés et les modes de la sensibilité. On ne fait pas l’histoire d’un genre, même musical, sans faire un peu aussi l’histoire des âmes. La Fantaisie et sonate nous révèle ce que fut, un moment et par exception, l’âme de Mozart. C’est à la sonate en la mineur qu’il faut demander ce qu’elle était toujours.

Souvent, au moment de créer un exemplaire définitif et parfait, il semble que la nature en multiplie les esquisses et comme les épreuves. Pour préparer un Beethoven, il ne lui suffit pas d’un Haydn et d’un Mozart : il lui faut encore un Rust, un Dussek, un démenti. De ces trois musiciens, Bust, le plus admirable, est inconnu ; les deux autres sont trop oubliés. Dans une lettre à son père, Mozart parle durement de Clementi. Il le traite de charlatan (ciarlatanno), comme tous les Italiens. Et il ajoute : « Quant à ses sonates, qu’elles ne signifient rien sous le rapport de la composition, c’est ce que sentira quiconque les jouera ou les entendra. Il n’y a aucun passage remarquable ou frappant, excepté les sixtes et les octaves, et pour ceux-là, je supplie ma sœur de ne pas trop s’en occuper, afin de ne pas gâter par-là sa main calme et bien posée et de ne pas lui faire perdre sa légèreté naturelle, sa souplesse et son agilité ; car, qu’y gagne-t-on au bout du compte ?… Qu’elle arrive à faire les sixtes et les octaves avec la plus grande