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mécanisme automatique, qui ne laissera rien subsister de la liberté de celui-ci ni de celui-là.

Telle est la législation que M. Millerand promet de nous donner. S’il y réussit, la révolution pourra se faire en effet sans recours à la force brutale ; la force légale en tiendra bleu avec avantage. Nous ne disons pas que, dans les conditions de l’industrie moderne, les contrats de travail et de louage d’ouvrage doivent rester exactement ce qu’ils étaient autrefois ; ils ont déjà subi de grandes transformations dans la pratique. Pourtant les principes en sont restés les mêmes : ils se résument en ceci que l’homme qui vend son travail reste libre de sa personne. Que cette liberté ait été quelquefois fictive de la part de l’ouvrier pauvre et faible à l’égard du patron riche et fort, nous le voulons bien ; mais ce n’est pas une raison pour la supprimer d’un seul coup au profit de la toute-puissance des syndicats.

Nous nous sommes étendu sur ces projets de M. Millerand, auxquels il a donné une forme habile et une modération apparente, parce qu’ils sont en quelque sorte la dernière expression de l’état d’esprit socialiste. Les deux Congrès de Paris, le premier surtout, le Congrès international, — car le second, le Congrès national, n’a été qu’une bruyante querelle de famille, — permettent de se rendre compte des changemens qui ont eu lieu dans la composition intime, et par conséquent dans le caractère du parti. Quant au discours de Lens, c’est le programme d’action du ministre et de ses amis. Il ne nous dit pas précisément ce qu’on veut faire, mais bien comment on se propose de le faire, par quels moyens, par quels procédés. Toutes ces manifestations nous permettent de discerner le but visé et encore mieux la voie par laquelle on espère l’atteindre. Quant à la question de savoir si M. Millerand est un bon ouvrier socialiste, nous la résoudrons par l’affirmative. Il sert parfaitement son parti : et si nous avons un regret à exprimer, c’est que le parti de la défense sociale, qui aujourd’hui va à la dérive sans organisation et sans chef, ne soit pas servi aussi bien.


Nous voudrions tenir nos lecteurs au courant de ce qui se passe en Chine : la situation est toujours confuse, pourtant elle s’est un peu éclairée depuis quelques jours. On peut l’envisager au point de vue militaire, ou au point de vue diplomatique. Au point de vue militaire, on croyait que l’arrivée du feld-maréchal de Waldersee imprimerait aux opérations une allure plus vive et plus décidée : il n’en a rien été, au moins jusqu’ici, et ce n’est peut-être pas la faute du maréchal