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(Psaumes, 101, 8). A cela aussi se rapporte la louange qui est donnée à Salomon. Tu as aimé justice, et as haï l’iniquité (Psaumes, 43, 8). Et comment l’esprit de Moyse, doux et bénin, se vient-il à enflamber d’une telle cruauté, qu’ayant les mains sanglantes du sang de ses frères, il ne fasse fin de tuer, jusqu’à en avoir occis trois mille… (Exode, 32, 27) (Opera Calvini, IV, 1 138, 1 139).


Mais, par hasard, si ceux qui « portent le glaive » se trompaient ? si peut-être ils confondaient les intérêts de la justice avec les suggestions de leur politique ou de leurs passions ? Même en ce cas, répond Calvin, nous continuons toujours de leur devoir obéissance :


Si nous dressons notre vue, dit-il, à la parole de Dieu…, elle nous rendra obéissans non seulement à la domination des princes qui justement font leur office, et s’acquittent loyalement de leur devoir, mais à tous ceux qui sont aucunement en prééminence, combien qu’ils ne fassent rien moins que ce qui appartient à leur état. Or, combien que notre Seigneur certifie que le Magistrat, — entendez par ce mot : le Gouvernement, — fût un don singulier de sa libéralité, donné pour la conservation du salut des hommes… néanmoins semblablement il déclare que, quels que soient les magistrats, ils n’ont la domination que de lui… Il nous faut donc insister à prouver et montrer ce qui ne peut pas aisément entrer en l’esprit des hommes : c’est qu’en homme pervers et indigne de tout honneur, lequel obtient la supériorité publique, réside néanmoins la même dignité et puissance laquelle notre Seigneur par sa parole a donnée aux ministres de la justice, et que les sujets, quant à ce qui appartient à l’obéissance due à sa supériorité, lui doivent porter aussi grande révérence qu’ils feraient à un bon roi, s’ils en avaient un (Opera Calvini, IV, 1 194).


Faut-il supposer là quelque arrière-pensée ? Si Calvin a écrit son Institution chrétienne pour défendre ses coreligionnaires contre des accusations de l’ordre politique, il a dû sans doute s’efforcer de montrer qu’il n’y avait rien dans les principes politiques de la réforme dont la « puissance constituée » dût ou pût prendre ombrage. Nous l’avons dit et nous le répétons. Mais ce qui n’est pas douteux, — et indépendamment de tout « opportunisme, » — c’est le rapport de cette politique avec la morale de Calvin. « Prince » ou « Magistrat, » de quelque nom qu’on les nomme, ce n’est pas « pour décider les différends et procès des biens terriens » que les « supérieurs » sont « ordonnés de Dieu, » mais pour assurer le principal : « à savoir que Dieu soit dûment servi selon la règle de sa loi. » On en voit également le rapport avec sa philosophie, si les « mauvais rois sont une ire de Dieu sur la terre, » comme l’enseigne le Livre (Job, 34, 30 ; Osée, 13, 41 ;