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confidences, et où, au lieu d’un centre, il peut y en avoir dix. Seuls les progrès du chauffage et de l’éclairage contemporains pouvaient permettre de le réaliser. Le chauffage de la cheminée obligeait à se réunir. Celui du calorifère permet de se disperser.

Enfin, le désir du confort plus que de l’apparat réduit naturellement les dimensions des chambres, en multiplie le nombre et fait régner dans les services que rend chacune d’elles le principe de la division du travail.

De là, suivent pour la décoration moderne quelques obligations très précises : d’abord, n’être pas trop massive ni trop sombre, pour ne pas intercepter la lumière qu’on a cherchée ; ensuite, ne pas être trop ample, pour ne pas encombrer ces multiples petites pièces chargées chacune d’un office différent. Enfin, n’offrir que peu de reliefs pour ne point gêner les mouvemens, et peu de complications ornementales pour ne point nécessiter un entretien trop difficile. Car, avec le goût de la lumière, nous est venu celui de la propreté, dont les contemporains de Boulle se souciaient fort peu. Loin d’exiger un grand entretien comme les meubles de prix que nous avons admirés dans les essais de modern style, le meuble vraiment moderne doit pouvoir vivre avec un minimum d’entretien. Car, si la science a réalisé bien des miracles et nous a libérés de bien des servitudes, elle n’a pu encore remplacer la main de l’homme dans ces soins journaliers, et justement l’évolution de la vie sociale a diminué, même dans les intérieurs les plus somptueux, le nombre des mains qui y sont occupées.

Ainsi, pour être moderne, le meuble doit être avant tout « pratique », et partant simple, et, pour qu’il soit simple, il faut que ses lignes soient très peu mouvementées. Car, dans la vie hâtive que ce temps nous a faite, nous voulons des meubles qui soient mobiles et des comodes qui soient commodes. L’erreur contemporaine est donc de chercher la ligne mouvementée : la vérité est de chercher la couleur. Car la ligne mouvementée se concilie mal avec l’usage pratique, la couleur se concilie avec tout ce que l’on veut et l’on peut déployer, sur un papier peint, les arabesques les plus folles sans aucun inconvénient pratique. On ne peut orner des tablés, des bibliothèques ou des dressoirs de ces protubérances ornementales qui arrêtent à tout instant et contrarient les gestes et les mouvemens. La décoration plane souffre une foule de fantaisies insupportables dans la décoration en relief. De là, sa supériorité dans toute cette Exposition.