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moderne est inspiré du style jacobéen campagnard. Il arrive aussi que, dans la pièce exposée par M. Heal, de Londres, un homme moderne pourrait vivre. Les meubles de chêne incrustés d’étain et d’ébène y sont hospitaliers, serviables et plaisans. Seulement ce n’est point là du style nouveau. Partout où vous rencontrerez quelque chose de confortable et de simple, c’est qu’il n’y aura aucun aspect tranchant de nouveauté.

Quant aux formes réalisées par nos modernes céramistes, elles se divisent en deux catégories bien distinctes. Les unes, qui sont simples, belles, propres à l’usage, se rapprochent toutes des formes antiques, si elles ne les reproduisent entièrement. Le cratère, l’amphore, l’aryballe, le pithos, le lécythe, en ont donné le cadre premier. D’autres formes à pans coupés sont celles de la vieille Chine ou du vieux Japon. Sans doute nos céramistes en ont varié quelque peu les trajectoires. Ils ont fait d’ordinaire très large le pied de leurs vases que les anciens faisaient pointus pour les enfoncer dans la terre. Ils ont relevé plus que les Grecs le point où la panse du vase a son principal diamètre, et tandis que le vase antique paraissait laisser tomber ses bras, les leurs semblent hausser leurs épaules. Mais le cadre demeure le même et il est naturel qu’il en soit ainsi, car les formes d’un vase sont déjà déterminées par son usage à ce point qu’elles ne peuvent varier que dans une fort étroite mesure, et, quand une d’elles a été trouvée un jour à la fois utile et belle, fût-ce il y a trois mille ans, il y n’a pas à la retrouver une seconde fois. Il n’en est point d’un vase comme d’une statue dont les mouvemens et les gestes peuvent varier la silhouette à l’infini. Le tour délimite exactement un de ses aspects dans l’espace et lui trace un cycle dans lequel sont contenus ses mouvemens.

La seconde catégorie se compose d’œuvres dont le nom peut être vase, buire, aiguière ou tout autre semblable, mais dont la forme ne se prête à aucun des usages que font espérer ces vocables. C’est de la sculpture en grès ou en porcelaine : ce sont des statues et parfois des caricatures, véritables personnalités qui se suffisent à elles-mêmes et qui, belles, médiocres ou détestables, n’ont rien d’un objet « d’art appliqué. »

Enfin, une troisième catégorie n’est que la réunion arbitraire des deux autres. A des formes de vases ou de meubles assez banales on a enlacé des statuettes qui ne le sont guère moins. On dirait un peuple de statues en déménagement. L’une a