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sur la France vaincue, « dont l’action pouvait, plus que jamais, être féconde pour le bonheur de l’humanité, » mais sur l’Allemagne asservie au césarisme. Mais qu’importait à Findel l’avis de Caubet ? Les trois grandes loges de Berlin et la grande loge de Saxe affirmèrent avec fracas leur chatouilleux patriotisme en protestant contre tous les actes de la maçonnerie parisienne, italienne, bruxelloise et suisse, relatifs à la guerre : l’orientation de la maçonnerie allemande était décisive.

Et les soufflets tombaient, étrangement drus, sur les certitudes d’autrefois. On apprenait, au Grand-Orient de France, que le 21 mars 1871, dans une séance de la loge de Potsdam, le Frère orateur avait salué, dans une langue auguste, « le Frère sur le trône, ce premier-né du jeune printemps. » — « Le travail qu’il a accompli, continuait l’orateur, n’a réussi à aucun autre maçon aussi bien qu’à lui… Le mensonge devait être terrassé par la lumière de la vérité : Dieu était avec lui, avec nous, et nous laissa vaincre. » Et les Caubet, les Massol, les Colfavru, cherchaient en vain, dans cette harangue imprévue, ce qu’ils appelaient « la vraie maçonnerie. » Puis d’autres échos leur venaient de Kissingen, à la fin de juillet : là, dans la loge l’Innocence couronnée, on célébrait les « événemens grandioses » qui avaient consommé l’« union si longtemps rêvée, » et l’on signalait la France comme un « foyer d’absurdité, de vanité, d’orgueil, » dont les loges étrangères devaient craindre le contact. La loge de Halberstadt et la loge de Darmstadt expulsaient brutalement des officiers français prisonniers de guerre, qu’elles avaient un instant accueillis ; et l’assemblée générale des Grands-Maîtres, réunie à Francfort le jour de la Pentecôte, étudiait le projet d’une confédération des grandes loges d’Allemagne, avec commission permanente à Berlin. La maçonnerie allemande voulait faire comme la nation allemande, elle voulait s’unifier.

Poliment, fraternellement, la presse maçonnique française multipliait regrets et réserves : mais la Bauhütte ripostait brutalement à Caubet : « Que nos Frères de France veuillent bien garder leur sagesse pour eux, et songer à balayer devant leur propre porte. » Et Caubet, tournant les pages, pouvait lire encore, dans cette même Bauhütte, ce cruel article :


Vainement lu France faisait-elle retentir au loin le cri de détresse : A moi les Enfans de la Veuve ! Personne n’est venu à son secours. Car là il n’y avait pas de secours à donner, à moins que ce ne fût avec l’outil pesant,