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pas de suite : le 31 octobre survint. Jules Ferry, qui fut superbe, ce jour-là, de sang-froid et de courage, avait mieux à faire qu’à servir de factotum dans cette comédie judiciaire ; aucun lien, du reste, ne l’unissait encore à l’église maçonnique ; et les quinze ou dix-huit cents théologiens qui voulaient donner aux Plaideurs une seconde édition retombèrent en sommeil.

Mais la loge Henri IV, probablement jalouse des Trinosophes, essaya de reprendre les poursuites ; elle interpella, le 30 novembre 1870, toutes les puissances maçonniques étrangères, et demanda que les deux têtes couronnées de Guillaume et de Frédéric fussent soumises au verdict d’un aréopage élu par la maçonnerie de l’univers et convoqué à Lausanne ou à Berne pour le 15 mars 1871. « Faute de se rendre à cette citation, stipulaient les Frères de la loge Henri IV, Guillaume de Hohenzollern et son fils seront déclarés traîtres à leurs sermens, félons, et hors la loi maçonnique. Ils seront maudits à tout jamais, et leur mémoire sera livrée à l’exécration de la postérité. » La maçonnerie universelle garda le silence, et l’arsenal de foudres qu’avait en réserve la loge Henri IV demeura sans emploi.

Quelques mois s’écoulèrent encore, durant lesquels certains des Trinosophes s’agitèrent d’une singulière façon. Nous laissons ici la parole à leur historien ; il ne parle que du bout des lèvres, et d’une façon volontairement insaisissable :


Quelques Frères s’étaient mépris sur les intentions du Frère Foussier, et dans le courant de janvier 1871 ils osèrent lui faire la proposition de faire prononcer une condamnation contre Guillaume, devenu empereur d’Allemagne, et contre son fils, disant qu’ils avaient les moyens de faire exécuter la sentence. Le Frère Foussier repoussa cette proposition avec indignation, en disant que la maçonnerie, ne vivant que dans le monde moral, ne pouvait vouloir produire que des effets moraux : qu’elle pouvait bien déclarer un Frère parjure, mais non prononcer des sentences qui rappelleraient les sociétés d’une autre époque. Il ajouta que les ennemis de l’institution pouvaient seuls faire de semblables propositions ; cependant on insista et on offrit au Frère Foussier cinquante mille francs pour faire rendre le jugement : il est inutile de dire qu’il persista dans son refus.


Nous ne nous chargerons point d’expliquer ces lignes un peu étranges, où quelques Frères audacieux apparaissent obsédés du souvenir de la Sainte-Vehme, comme l’était Foussier du souvenir de Grégoire VII : ce qu’il y a de sûr, c’est que, dans les dossiers de la justice maçonnique, l’affaire Hohenzollern demeura définitivement classée.