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il ne le dira point, car c’est un autoritaire inconscient, un tyran sans le savoir ; celui-là discipline plus qu’il n’émancipe et ce n’est assurément pas le but de l’institution, mais cet excès de personnalité n’est pas un défaut général et, pour ceux qui entrent vraiment dans l’esprit des settlements, c’est une école d’humilité et d’abnégation. Celui qui s’y enferme, renonce momentanément à sa famille, à ses relations, à ses plaisirs, dans une large mesure à son confort, et à ces mille choses dont est faite l’existence des heureux et des oisifs. Il vit dans une simplicité monacale, sous l’autorité d’un homme ou d’une règle. Au lieu de songer à son bien-être, à son agrément personnel, à son progrès mental, à ses diversions artistiques, à ses lectures, il s’occupe, il s’ingénie à préparer toutes ces choses pour des créatures humaines qui ne sont pas de son rang et qui reçoivent ces soins avec une indifférence lourde, voisine de la méfiance. Et il a la douleur de voir souvent ses efforts en pure perte ; il traverse des heures inévitables de dégoût, d’amertume et de tristesse. Mais qui sait si ces heures ne sont pas les plus fécondes ? Lorsque le jeune néophyte rentre dans le monde après quelques années de cette vie-là, il a beaucoup appris et beaucoup désappris. Il a connu le peuple. Cette question sociale sur laquelle nous disons et écrivons tant de sottises, sur laquelle nous édifions tant de vagues et présomptueuses théories, il l’a étudiée sur le vif, touchée du doigt, soupesée, jaugée, sondée et parcourue dans tous ses recoins et à toutes les heures. Elle n’a plus pour lui ni épouvantes ni chimères.


V

A côté des enthousiastes convaincus qui croient sans réserve à l’action bienfaisante et à l’avenir illimité des settlements, à côté des sceptiques respectueux qui sympathisent avec l’œuvre, mais n’en attendent point des miracles pour le salut d’une société désormais irréformable, on rencontre une nuance d’opinion presque hostile à l’institution nouvelle. Certains amis du peuple voient avec déplaisir le développement continu de l’Universtly Extension et des Settlements. Sous cette philanthropie aristocratique ils croient voir et ils dénoncent une intention réfléchie de prolonger l’ascendant des classes riches sur les classes laborieuses, de tenir celles-ci dans une éternelle minorité, sous la tutelle et le