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COLONIES SOCIALES ET COLLÈGES OUVRIERS

EN ANGLETERRE


I

Lorsqu’on quitte la grande artère de Whitechapel pour s’engager dans Commercial Street, on rencontre, à deux cents pas, l’église Saint-Jude qui s’élève sur la droite, tellement serrée par les bâtimens qui l’encadrent que l’étranger, pressé ou distrait, pourra passer devant elle sans la voir. Le quartier semble ignorer sa présence ; les enfans jouent et se bousculent jusque sur ses marches. Le soir, la marée montante de la misère et du vice bat ses vieilles murailles. Sur la fameuse carte que M. Booth a dressée de ces quartiers déshérités, et où les différens degrés de l’ignorance, du dénûment, du désordre, de la barbarie sont indiqués par des nuances de plus en plus foncées, la région qui entoure Saint-Jude est d’un noir opaque, impitoyable, effrayant, que rien n’éclaire ni n’atténue.

L’église est curieuse ; elle a des attractions pour l’archéologue, mais les souvenirs que je veux évoquer sont des souvenirs d’hier, pour servir de préface aux œuvres d’aujourd’hui et aux espérances de demain. Donc, il y a vingt ans, Saint-Jude avait pour pasteur un de ces hommes de foi et de progrès comme il s’en rencontre un grand nombre dans l’église anglicane, dans toutes les églises, le révérend Barnett. Il comprenait que son devoir n’était pas seulement de prêcher des dogmes, mais de répandre des vérités utiles autour de lui, de civiliser cette sauvagerie au milieu de laquelle il avait été jeté. Il obéissait à cet instinct qui pousse ses compatriotes à lutter contre le mal, à mettre en ordre le désordre,