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maréchal qu’à leur donner une impulsion plus vigoureuse : il le fera. Les fautes du gouvernement chinois, qui redevient agressif, brutal, massacreur même en présence des divisions et des hésitations des puissances, lui fourniront des prétextes. Dans quelques jours, il ne restera peut-être qu’un souvenir de la proposition de M. le comte de Bulow ; les événemens auront marché : mais ils n’auront pas marché dans un sens contraire aux vues allemandes si la guerre, rouverte sur une plus grande échelle et avec des forces plus nombreuses, a mis aux mains du maréchal de Waldersee le moyen de coercition qui nous manque aujourd’hui contre le gouvernement chinois. A coup sûr, il y aura des hésitations, des résistances même de la part de certaines puissances, et on aura de la peine à les faire marcher toutes du même pas : mais l’empereur Guillaume espère les entraîner par l’espèce de fougue qui est en lui, et aussi par le tourbillon des événemens qu’il aura provoqués et déchaînés. N’a-t-il pas dit un jour que son plan s’exécuterait de point en point ? Si cette prophétie se réalise, nous risquons d’être conduits, aussi bien les uns que les autres, beaucoup plus loin que nous ne nous sommes proposé d’aller.

Aussi est-il à craindre que le concert européen ne présente une fois de plus le spectacle d’anarchie et d’impuissance qu’il a déjà donné, et même que le caractère n’en soit plus pitoyable encore. D’abord, ce n’est pas seulement l’Europe qui est représentée en Chine ; il y a aussi les États-Unis et le Japon ; et plus le nombre des concertans augmente, plus le danger d’un désaccord s’accroît. En outre, nous opérons pour la première fois dans des régions démesurées et peu connues, au milieu d’un peuple qui nous est mille fois plus étranger par sa manière de sentir et penser que par la distance matérielle qui nous sépare de lui. Le problème d’Orient, quelque complexe qu’il soit, nous est devenu familier et ne saurait nous causer désormais beaucoup de surprises : il n’en est pas de même du problème d’Extrême-Orient. Enfin, depuis que la politique coloniale et commerciale de l’Allemagne a pris les développemens que tout le monde connaît, — sans parler du Japon et de l’Amérique mêlés étroitement pour la première fois à nos affaires générales, — des élémens nouveaux, dont quelques-uns sont très actifs et très énergiques, viennent encore compliquer les difficultés de la tâche commune. Quel que soit leur dévouement à cette tâche, chacune des puissances, — et comment en serait-il autrement ? — garde très éveillée la préoccupation de ses intérêts particuliers. Voilà pourquoi le prétendu concert est peut-être condamné à ne faire guère autre chose que du bruit. Quand