Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 161.djvu/717

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

présidé par M. Grébauval, a eu le tort d’oublier que, dans une cérémonie pareille, le gouvernement est une espèce d’entité politique indépendante des personnes qui le composent. M. Waldeck-Rousseau, pour ne parler que de lui, n’est pas M. Waldeck-Rousseau : il est le président du Conseil des ministres. Ce n’est pas la politique qui est en cause, mais le protocole. En renversant les termes de cette proposition, le Conseil municipal a posé une question politique, et cela dans les termes les plus aigus. Dès lors, on sait ce qui s’est passé. La plupart des maires invités ont refusé publiquement de prendre part à l’acte de parti auquel on voulait les associer, les uns parce que leurs opinions personnelles les en détournaient, les autres parce qu’ils jugeaient la démonstration intempestive. Le nouveau Conseil municipal de Paris a eu, dès le premier jour, une déplorable tendance à imiter ses devanciers. Au lieu de faire ce qu’on attendait de lui, c’est-à-dire de la bonne administration, sage, économe et surtout tolérante, il a voulu jouer ail gouvernement à côté du gouvernement officiel, et contre lui. Si un pareil précédent avait pu s’établir, est-il besoin de dire quelles en auraient été les conséquences ? Mais le Conseil municipal, ou du moins son bureau, n’avait oublié qu’une chose, que le gouvernement au contraire se rappelait fort bien : c’est que le maire de Paris est le préfet de la Seine et que, en dehors des sessions, le bureau du Conseil municipal n’est rien du tout. M. le ministre de l’Intérieur, juriste éminent, aurait pu, dès la première minute, avertir M. le président du Conseil municipal qu’il faisait fausse route ; peut-être de même l’aurait-il dû : il a préféré le laisser s’engager à fond dans une impasse, et lui réserver au bout une surprise de sa façon. En conséquence, quelques jours à peine avant le banquet, M. le préfet de la Seine et M. le préfet de police, invités tardivement et comme par repentir, ont fait savoir à M. Grébauval qu’il n’avait aucune qualité pour leur adresser des invitations, et que celles-ci, pour être correctes, devaient être faites par la Préfecture. L’usage, dans les solennités de ce genre, est d’associer le président du Conseil municipal au préfet de la Seine ; ils signent l’un et l’autre les invitations ; mais jamais encore le premier n’avait émis la prétention d’agir seul et indépendamment du second. Il était réservé à M. Grébauval de renchérir sur ses devanciers. Les lettres qu’il a reçues de M. le préfet de la Seine et de M. le préfet de police l’ont rappelé en termes fort secs à rester dans les limites de ses fonctions. Le dernier coup était porté. Le bureau du Conseil municipal a accusé le gouvernement d’avoir fait échouer son banquet, ce qui, si l’on