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LES TRONÇONS DU GLAIVE.

de Tamisier, qui protège de l’autre côté Flourens. Décidément, il y a eu transaction. Pêle-mêle descendent, fripés, livides, les yeux cernés, les cheveux collés, Jules Favre, Millière, Garnier-Pagès, Delescluze, Simon, Ranvier, les deux gouvernemens délivrés ensemble, et s’amnistiant l’un l’autre.

Dans la fraîcheur glacée de la nuit, Martial s’éveillait ! Hors de la fantômale clarté de sa prison, les ténèbres que rendait plus noire la lueur tremblotante des réverbères, les haies épaisses de gardes nationaux dont les fusils scintillaient confusément, le souffle vif du vent, lui furent un soulagement infini. En même temps, il gardait une souffrance, une honte obscures. Le vertige dont la ville entière venait d’être frappée l’emplit de regrets. Il pensait à ce débordement d’excès et de folies, à ce coupable exemple de guerre civile ; amèrement il évoqua les garnisons des forts, l’armée aux avant-postes, les sentinelles en faction ; au delà, la France qui, confiante dans sa capitale, s’armait pour la défendre ; et entre eux, derrière leurs tranchées, les Allemands à l’aguet, attendant joyeux que les Parisiens s’égorgeassent, pour entrer.

Paul et Victor Margueritte.

(La deuxième partie au prochain numéro.)