Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 161.djvu/693

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

adultes suffisaient à les surveiller : les autres, libérés momentanément du souci de la famille, se reposaient plus bas, sur la plage, ou se livraient à la pêche, plongeant dans l’eau pour y recueillir leur propre nourriture et celle de leurs petits. Le village était établi sur une sorte de terrasse, abrupte du côté de la mer, et le principal souci des surveillans était d’empêcher la jeunesse manchote de s’approcher trop près du bord et de s’exposer ainsi à une chute mortelle. Aussi faisaient-ils bonne garde, et rabrouaient-ils d’importance les jeunes imprudens. Après un certain temps, le surveillant était remplacé par un autre : les sentinelles étaient relevées.


VIII

Les détails qui précèdent complètent heureusement l’histoire particulière des animaux qui fréquentent la banquise : ils comblent des lacunes. D’autre part, ils confirment ce que l’on avait avancé déjà relativement à la distribution géographique des oiseaux. Et c’est là un point important pour l’histoire naturelle générale.

L’examen de la flore, d’ailleurs misérable, de la région antarctique nous avait montré, tout à l’heure, son identité presque absolue avec celle de la région arctique. L’étude de la faune marine nous avait apporté un enseignement analogue. La vie autour de l’un et l’autre pôles se présentait donc avec les mêmes caractères : de part et d’autre, c’étaient les mêmes espèces sédentaires. Au nord et au sud, l’analogie des conditions extérieures avait créé l’analogie des populations animale et végétale. Les espèces polaires se montraient bipolaires.

En ce qui concerne les oiseaux, il en est tout autrement. Ils ne sont point les mêmes dans les régions arctique et antarctique ; ils n’appartiennent pas aux mêmes genres, ni seulement aux mêmes familles. Il est curieux que ce soient les êtres vivans les plus mobiles qui soient le plus étroitement cantonnés. Le pôle Sud a les manchots et les becs-en-fourreau, le pôle Nord a les pingouins. Quant aux espèces non exclusives, ubiquistes, telles que les goélands et les mouettes, elles sont infiniment plus répandues au nord qu’au midi.

Pour se rendre compte de cette particularité dans la distribution géographique, et comprendre l’espèce d’opposition qui