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véritables grands fonds ; la sonde descendait rapidement et presque sans transition de 500 mètres à 1 500 et davantage. La mer polaire australe est sans profondeur.

Tout au contraire nous avons vu que la mer polaire boréale est Tune des plus profondes, et ajoutons qu’elle semble être, d’après les caractères géologiques, l’une des plus anciennes, sinon la plus ancienne. Les géologues admettent qu’à la fin de la période tertiaire, à l’époque miocène, l’océan Arctique ne communiquait pas encore avec l’Atlantique, et qu’il jouissait d’un climat chaud. C’est plus tard, à l’époque glaciaire, que les espèces abyssales de l’Atlantique, et particulièrement les mollusques, selon M. Dautzenberg, ont dû remonter vers le Nord, pour constituer la faune sub-littorale des régions arctiques.


VII

L’identité de ces faunes marines montre que c’est l’identité des conditions physiques qui exerce une influence dominante sur la distribution géographique des êtres vivans.

La banquise n’est pas, non plus, la solitude désolée que l’on pourrait croire, étant données les conditions climatologiques rigoureuses qui y règnent : le froid excessif, le vent continuel, les chutes de neige fréquentes, l’instabilité, enfin, de l’appui que ses champs mouvans offrent aux animaux. Malgré cela, sa surface était animée, en tout temps, et jusqu’au cœur même de l’hiver, par la présence des oiseaux et des phoques. Ce sont là d’ailleurs les seuls représentans du monde des animaux supérieurs.

Les oiseaux d’abord. Il faut les distinguer en deux groupes : les hôtes ordinaires de la banquise, peu nombreux, réduits à cinq ou six espèces de pétrels, de goélands et de manchots ; et les oiseaux de lisière. Ceux-ci peuvent bien fréquenter le bord du pack de la banquise et suivre, à une petite distance, les chenaux qui résultent de sa dislocation ; mais ils ne s’aventurent jamais bien loin dans l’intérieur. Ils préfèrent le séjour des terres et des îles situées moins avant vers le Sud. M. Racovitza les a trouvés surtout nombreux dans le détroit de Gerlache. C’est en cette région qu’ils nichent et élèvent leurs petits, dans les trous de la roche et les fentes des falaises à pic, ou sur les corniches des rochers