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été exploré, un plancton, d’ailleurs peu abondant et peu varié. Ce sont surtout les crustacés qui y dominent ; et avant tout, un petit crustacé schizopode, du genre Euphausia, semblable à une crevette, qui forme sous la glace des bancs immenses. C’est l’aliment principal des phoques et des manchots qui vivent paresseusement à la surface de la banquise, et qui n’ont qu’à exécuter un plongeon lorsqu’ils sentent le besoin de se nourrir.

Viennent ensuite, et par ordre d’abondance, des radiolaires ; des crustacés copépodes et ostracodes ; des mollusques ptéropodes, les limacines ; des annélides. Et parmi ces dernières, il y a des espèces, les polychètes Pelagobies qui dévorent, tout comme les carnassiers de grande taille, les paisibles herbivores du plancton.

La masse des animaux du plancton antarctique subit des variations saisonnières, précisément réglées par les variations de leur pâturage de diatomées. A la fin de l’hiver, ces algues microscopiques sont devenues rares. C’est l’obscurité qui les a tuées, et non pas le froid, puisqu’elles en sont à l’abri. Elles ont succombé à la privation des rayons lumineux, arrêtés par l’épaisseur et l’opacité de la banquise. Sous l’influence de la famine, la population animale du plancton a décliné en même temps. Les débris organiques et les cadavres tombent alors des couches supérieures dans les couches plus profondes et enfin jusqu’au sol. Là elles servent d’alimens, à leur tour, aux habitans du fond.


VI

Les animaux qui peuplent le fond antarctique, exploré par la Belgica, appartiennent à la faune abyssale. Ce sont les habitans ordinaires des abîmes, les hôtes accoutumés de tous les grands fonds océaniques. Il n’y a, du reste, aucune raison pour qu’ils en soient différens. Rien ne ressemble plus à un grand fond de mer qu’un autre grand fond de mer. L’abîme antarctique ne fait pas exception à cette règle ; rien ne le distingue de ceux des autres océans. La température y est sensiblement la même : c’est toujours le froid voisin de 0°. Seul, l’océan Arctique, d’après Nansen, ferait exception ; le thermomètre de fond s’y élèverait à 1°. —

Dans ces grands fonds, l’obscurité est partout la même, c’est-à-dire absolue. Aucun rayon lumineux ne pénètre, au-delà de 200 mètres ; aucun rayon chimique n’atteint 400 mètres.